X, paradis des mèmes de l’extrême droite... que même la gauche aime bien

Mignons, rigolos, enfantins et… racistes. Les mèmes d'extrême droite se multiplient sur X et se répandent bien au-delà de leur base électorale.

TLMS, un bonhomme de neige, Nicolas qui paie… Parlez-vous couramment l’extrême droite ? Sur X, les mèmes cantonnés à droite toute prolifèrent. Pas un tweet d’un média sur un fait divers sans que ne pleuvent les commentaires « Tout le monde sait », ou sa version acronyme, TLMS. Sous-entendu, tout le monde sait qui est l’auteur du délit : un immigré.

Le Petit Nicolas, version raciste

Une municipalité instaure les transports gratuits les week-ends, propose un nouveau festival, construit un parc ? Une horde de « Merci Nicolas » débarque. « Nicolas qui paie », autre mème d’extrême droite, incarnant un Français cadre actif trentenaire (et blanc, évidemment) dont les cotisations sont sans cesse prélevées pour les autres. Retraités, immigrés, artistes de gauche… « Si c’est gratuit, c’est Nicolas qui paie. »

Le compte revendique 25 000 followers, principalement des militants d’extrême droite (RN, Reconquête, etc.), un nombre certes conséquent, mais presque faible par rapport à la diffusion de ce mème quasi-incontournable en 2025. L'expression a été reprise jusqu'à l'Assemblée nationale, par Gerault Verny, député de l'UDR d'Éric Ciotti, et s'est exportée en Angleterre. Voici Nick, jeune Britannique désespéré d'avoir un avenir moins heureux que ses parents.

Pour que tu mème encore

Le mème dépasse souvent la popularité de son auteur pour se propager toujours plus, retrace Tristan Mendes-France, maître de conférences et expert des mondes numériques et de l’extrême droite. Sa nature et son intérêt : « Ce sont des messages brefs et faciles à partager et générant un engagement bien supérieur à du texte. »

Et à force de s'éloigner de ses bases, le mème trouble les pistes. Thomas, twittos compulsif de gauche, a longtemps retweeté du « Nicolas qui paie », lui qui trouve aussi que les cotisations pour les retraités sont trop élevées – avant de retracer l’origine politique du produit. Honteux et confus, il jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus. Difficile à tenir : « S’il faut inspecter chaque mème avant de le repartager… Et l’extrême droite en produit tellement. » Même déception chez Justine, 28 ans, de gauche et ex-collectionneuse de mèmes. Jusqu'à cesser de reposter, à force de faire l'erreur.  « Il y avait ce bonhomme de neige avec une loupe, qui était assez mignon. J'aimais bien l'utiliser. »

Jusqu'aux bonshommes de neige

En cause, la photo de profil du compte X Bouli, un « gentil » bonhomme de neige à plus de 100 000 followers qui sous la formule « Tout le monde sait », impute le moindre fait divers de France aux Arabes. Avec les outils de génération d’image, ces petits bonshommes de neige qui paraissent mignons à première vue prolifèrent sur X.

À noter que les anciens comptes de Bouli, Sidounours et Michel Ney étaient suspendus régulièrement, tandis que l’influenceur qui se cache derrière eux profite aujourd'hui de l'ultra-clémence de la modération du réseau de Musk.

Un des membres du serveur Discord de  « Nicolas qui paie »  (500 membres), qui a voulu rester anonyme, précise : « Avec des blagues, on paraît beaucoup moins agressifs. Et on voit bien que nos idées progressent mieux de cette façon. » Ne parlez d'ailleurs plus d'extrême droite, mais de libertariens.  « Bien sûr, aucun gauchiste ne va partager un mème sur l'attaque des migrants. Alors qu'une blague sur les cotisations... »

Pour Justine, l'échec est celui de la gauche :   « Si on se laisse berner, c'est aussi parce que notre camp ne diffuse pas ses propres mèmes. C'est quoi, nous ? Les mèmes de gauche ? Des blagues sur la gauche elle-même et le communisme... À vouloir être trop pur ou subtil, on ne fait rire personne et on perd du terrain. »