une fille avec une sucette en forme de bouche

TikTok Shop : l’art de transformer un scroll en panier plein

© candymixfrance

Si vous avez pris l'habitude de scroller sur TikTok, vous avez sans doute vu passer ces lives qui font beaucoup penser aux bonnes vieilles émissions de télé achat. C'est normal, la plateforme a lancé TikTok Shop en France avec un projet : transformer les créateurs de contenu en vendeurs et ses lives en hypermarché.

Le 31 mars 2025, le TikTok français s’est enrichi d’une nouvelle fonctionnalité : TikTok Shop. Si les entrepreneurs français la découvrent avec plus ou moins d’empressement, la fonctionnalité a déjà fait un tabac ailleurs. TikTok Shop, c’est 33 milliards de dollars en 2024, dont 9 réalisés sur le marché américain un an et demi après son lancement. Pour comparaison, Amazon a mis cinq ans pour atteindre son premier milliard – certes sur un marché beaucoup moins mature. Accessoires de cuisine, produits de beauté, vêtements, décoration, compléments alimentaires..., sur TikTok Shop, on peut vendre de tout et tout acheter en quelques clics. La promesse est alléchante : toucher une audience très large et jeune(40 % des utilisateurs de la plateforme TikTok sont âgés de 16 à 24 ans) qui pratique peu les sites d’e-commerce. Une aubaine pour les marques françaises ? Elles nous racontent.

À la conquête des plus jeunes

Cherico, jeune entreprise de boissons à la chicorée, a été sélectionnée pour faire partie des premières entreprises françaises à vendre ses produits sur TikTok Shop. La marque s’adresse à cette génération adepte « des boissons lactées, du do it yourself et des coffee shops », mais TikTok Shop lui permet de « toucher une communauté moins avertie, qui s’avère sans a priori sur la chicorée et qui adhère facilement », selon Doriane Leleu, responsable marketing. Un pari gagnant : grâce à la plateforme, les commandes se sont envolées.

Tupperware France veut aussi tenter sa chance sur ce canal, comme nous l’explique Augustin Rudigoz, Chief Operating Officer France et l’un des repreneurs de la célèbre marque rachetée en mars 2025. Les nouveaux dirigeants veulent conquérir « cette jeune génération qui connaît Tupperware de nom mais l’associe uniquement à une boîte de conservation ». Sur TikTok Shop, ils peuvent parcourir et acheter la totalité du catalogue. Gourdes, ustensiles de cuisine, robots, sont mis en avant dans des vidéos tournées par les affiliés, ces tiktokeurs qui vendent en échange de commissions. « Finalement, ce format est très proche du modèle historique des réunions Tupperware où les vendeuses recevaient à domicile des groupes de femmes », souligne Augustin Rudigoz.

« On est encore dans une phase test »

Cherico s’appuie aussi sur des vendeurs affiliés, qui sont sélectionnés avec soin. « Mais on est encore dans une phase test de la plateforme pour le marché français et il y a encore peu d’influenceurs qui se lancent sur ce type de vente », note Doriane Leleu. Chez Tupperware, la stratégie consiste à segmenter : des affiliations ouvertes pour les produits accessibles comme les boîtes, et des influenceurs formés par son réseau pour les articles plus complexes tels que les mini-hachoirs ou les appareils à popcorn. La marque tâche surtout de surfer sur les trends de la plateforme et de « valoriser les produits au bon moment ». 

« Ils nous ont contactées pour nous annoncer qu’ils offraient la livraison »

TikTok Shop mobilise « des compétences très différentes » de celles des autres canaux d’acquisition, selon Olivier Allain, formateur e-commerce. « Amazon, par exemple, est un site d’intention d’achats. Quand les gens y vont, il est rare qu’ils n’achètent rien. En revanche, sur TikTok, ils sont là pour se divertir, pas pour acheter », il faut donc apprendre à « maîtriser l’art de l’attention ». L’entrepreneur croit beaucoup au live shopping, ces longues vidéos de ventes en temps réel. Les plus gros succès de ce format laissent rêveur, comme ceux de Li Jiaqui, un jeune Chinois, star en son pays, qui peut écouler jusqu’à 15 000 rouges à lèvres par minute. Une performance énorme qui ne s’improvise pas. « Le premier live de Cherico a été un crash test, et ça n’a pas du tout fonctionné », admet Doriane Leleu, qui devrait récidiver bientôt en jouant sur des interactions moins formelles. 

Ici, tout est fait pour provoquer des achats impulsifs, à commencer par l’affichage de liens cliquables vers les produits en bas de l’écran. « Toute l’expérience est faite pour être ultrafluide […], les gens comprennent intuitivement qu’ils ont juste à cliquer », explique à ce sujet Néhal, l’une des fondatrices de la marque Satinée, dans son podcast From Messy to Merci. La jeune femme qui a conçu des gants exfoliants en soie a été soutenue par la plateforme lors du lancement de TikTok Shop. « Ils nous ont contactées pour nous annoncer qu’ils offraient la livraison aux clients pour chaque commande et des rabais supplémentaires, entre 15 et 20 % sur les commandes de plus de 20 euros », se souvient celle qui a alors cru à une erreur. « Avec une opération pareille, le taux de conversation explose et le panier moyen grimpe à fond ! »

« En général, je touche 3 ou 4 euros pour un produit vendu 16 »

Mais ce coup de boost ne fait pas oublier à l’entrepreneuse les contreparties. En plus des 5 % de commission par vente prise par la plateforme, la jeune femme décrit un « stress permanent ». « Les commandes doivent être expédiées très rapidement, sinon TikTok peut te mettre des pénalités », tandis que des réclamations clients abusives, liées à la présence d’une messagerie directe, polluent le plaisir d’échanger avec sa communauté. Par ailleurs, les clients paient directement la plateforme. Ce qui n’est pas sans conséquence sur la trésorerie. « Les paiements sont débloqués au bout de quinze jours mais seulement après réception du colis par le client », met-elle en garde, estimant qu’il peut être difficile pour les petites entreprises de « tenir la cadence ». 

Du côté des influenceurs affiliés, d’autres questions se posent, comme le confirme Léana Jacques, tiktokeuse aux 34 000 abonnés. Voyant le format « cartonner aux USA et au Royaume-Uni », la jeune femme a commencé à vendre des produits sur TikTok Shop, comme des bonbons sans sucre ou des compléments alimentaires. Si elle considère que cette fonctionnalité est du pur « génie », celle qui souhaite uniquement faire la promotion de produits qui « ont du sens ou apportent quelque chose de positif » déplore de trop nombreuses propositions liées au « dropshipping » (une vente sur Internet dans laquelle le vendeur ne se charge que de la vente du produit et non pas de son expédition). Et côté rentabilité, le compte n’y est pas encore : « Les commissions sont vraiment basses [...]. En général, je touche 3 ou 4 euros pour un produit vendu 16, donc pour que ce soit rentable, il faut faire beaucoup de vues ou alors choisir de promouvoir un produit d'une valeur de 60 euros », regrette-t-elle.

Cependant, Léana reste convaincue. Elle estime qu’il faut laisser le temps à la plateforme de s’installer en France. « Les gens ne sont pas encore habitués à ce canal. Ils réagissent bien, et ça va venir parce qu’ils sont déjà familiers avec les placements de produits classiques. » Elle en est certaine : la plateforme « représente clairement l’avenir ».

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