
Structure allégée, relation directe avec l’audience et ligne éditoriale sans concession. Quels sont les secrets des nouveaux médias web qui cartonnent ?
On ne va pas se mentir, depuis quelques mois, la rubrique médias de L’ADN ressemble à une page nécrologique. De Vice à Gawker en passant par BuzzFeed News, les médias web s’effondrent. Entre autres causes : le manque de visibilité que les plateformes sociales accordent aux contenus journalistiques et le changement des usages (les deux étant liés). Pourtant une lueur d’espoir semble poindre. Un petit groupe de médias américains fonctionne et même prospère. Parmi ces « happy few », le New York Times cite Puck, une plateforme de newsletters sur « le pouvoir, l'argent et l'ego », PunchBawl News, un site monté par des vétérans du journalisme politique, The Ankler, une newsletter entièrement consacrée à l’industrie de l’entertainment ou Semafor, qui se consacre à l’actualité internationale. Nous ajoutons dans la liste 404 Media, un site dédié au monde de la tech et du numérique et encore Defector, centré sur les sujets sport et culture.
Slow, small & smart
Comment ces médias très récents font pour s’extraire du marasme médiatique ? En tirant des leçons du passé. La plupart de ces startups ont fait une croix sur la stratégie de la croissance rapide à tout prix. Contrairement à un Vice qui a levé plus de 1,1 milliard de dollars en l’espace de 8 ans (avant de s’effondrer au point d’effacer une grande partie de ses contenus en ligne), les nouveaux médias ne bénéficient pas d’investissements mirobolants. Après avoir été la troisième newsletter la plus rentable de la plateforme Substack, The Ankler par exemple a levé 1,3 million de dollars en 2021 et affiche une valorisation à 20 millions de dollars. Plus globalement, ces médias ont abandonné l’idée de s’adresser au plus grand nombre. Ils mettent en avant un modèle économique basé sur des abonnements payants et une audience cible aisée et extrêmement sensible aux contenus proposés.
Journalisme parasocial
À bien y regarder, le dénominateur commun de ces médias est avant tout la manière dont ils se sont lancés. Beaucoup sont fondés par des plumes plutôt renommées issues de ces grands médias qui ont coulé. C’est le cas chez 404 Media ou Defector qui ont été respectivement lancés par d’anciens journalistes de Motherboard (la verticale tech de Vice) et Deadspin, un autre grand site sportif qui a périclité en 2020. Du côté d’Ankler, la fondatrice est l’ancienne directrice de The Hollywood Reporter et Us Weekly. Chez Puck, l’ancien directeur éditorial d’Hollywood Reporter Matt Belloni qui est présenté comme « partenaire fondateur » représentait jusqu’à 30 % des abonnés payants au lancement du média. Mais, au-delà de leur aura qui apporte naturellement de l’audience, ces personnalités fondatrices mettent en avant l’indépendance de leur rédaction qui leur appartient au lieu d’être aux mains d’un obscur milliardaire.
Est-ce suffisant pour expliquer leur succès ? Six mois après leur lancement, 404 Media se déclare déjà rentable et explique ce résultat par une organisation et une ligne éditoriale efficace : pas de consultants, pas de locaux chers (ils sont tous en télétravail), des sujets qui partent de l’expérience personnelle des journalistes, des podcasts sponsorisés par la publicité, du merchandising, des dons et des abonnements payants à partir de 100 dollars par an qui vont directement dans la poche de ceux qui produisent l’information. Reste à voir si ce modèle va perdurer et s'il est reproductible ailleurs que sur le gros marché des États-Unis (soutenus par celui de ses cousins anglophones). Même avec les meilleures intentions du monde, il n'est pas certain que la base de lecteurs des pays européens soit suffisante pour assurer le succès de ce type de média. Pour rappel, seul Médiapart est au-dessus des 150k abonné payants tandis que le second pure player, Arrêt sur images était aux alentours de 22k abonnés en 2022.
Participer à la conversation