Couverture magazine L'ADN

Quand nous nous appliquons ce que nous vous chroniquons

L’ADN a pour mission de chroniquer les grandes mutations qui traversent la société. En tant que rédaction et entreprise, nous sommes évidemment impactés par ces mêmes bouleversements. Nul n’est à l’abri de son époque. C’est pourquoi nous voulons partager avec vous un épisode récent de la vie de L’ADN.

La nécessité de la diversification

Le secteur de la presse est en difficulté. Pour les médias indépendants, la diversification est une nécessité. À travers L’ADN Studio, notre agence interne, nous proposons aux entreprises et aux institutions de décliner notre expertise « Tendances » en services de conseils, d’écriture et de production de contenus. Strictement indépendante de la rédaction, cette entité a sa propre équipe et ses propres objectifs commerciaux.

En novembre 2022, notre studio a répondu à un appel d'offres lancé par TotalEnergies au profit de la Total Digital Factory, filiale chargée d'accélérer la transition numérique de l'entreprise.

L’obligation de parler avec tout le monde

Proposer les services du studio à une filiale de TotalEnergies, alors que nous dédions une large part du média à la couverture de l’indispensable transition écologique a nourri un vif débat chez nous : pourquoi répondre à cet appel d’offre ?

Il y avait d'abord un aspect financier non négligeable qui a convaincu l'équipe en charge du développement du studio d'y répondre. C'est son métier.

Ensuite côté mission, il ne s’agissait pas d’absoudre publiquement TotalEnergies mais de faire la promotion en interne de la stratégie de digitalisation du groupe. Pour faire connaître le travail de la Total Digital Factory, nous avons proposé une série de contenus et de conférences internes pour mettre en avant son expertise et parler de technologies d’avenir comme la blockchain ou l’IA dans une logique de réduction de l’impact environnemental.

Il y avait aussi un principe : nous sommes persuadés qu’il faut prendre le monde tel qu’il est, parler avec tous ses acteurs, pour mieux le comprendre et le faire changer. Si nous pouvions appuyer la transition chez Total, agir de l’intérieur, alors ce serait utile. Candide pour certains, indispensable à tenter selon nous.

Enfin, parmi les objectifs de la mission, il fallait aider la Total Digital Factory à recruter des talents. La première phrase de la présentation du projet était « on vous déteste, vous ne pourrez jamais être attractifs si vous ne vous transformez pas ». Il faut croire que cela leur a plu, nous avons appris en décembre que la proposition du studio était retenue.

Réfléchir à notre modèle économique

Pendant que Total réfléchissait, nous débattions.
Certains voulaient faire ce projet et stabiliser les finances de la boîte. D’autres ne concevaient pas de pouvoir être associés à une entreprise devenue le totem mortifère de l’anthropocène.

Ce projet nous a forcé à réfléchir à notre modèle économique, à nos valeurs personnelles et à nos modes de décision. Nous avons dû nous réaligner. Ça nous a pris du temps. Nous n’avons donc pas signé le contrat tant que duraient nos discussions.

Et nous ne le signerons pas.
Lundi 30 janvier, nous avons signifié à Total notre refus d'accepter cette mission.
Et nous avons lancé un autre cycle de réflexions pour engager les changements qui découlent de ce choix.

Vous, nous et la charte de nos engagements

Ce n’est ni l’impératif financier, ni le risque réputationnel qui l’a emporté mais le lien de confiance que nous voulons et devons maintenir avec notre public.

Il ne peut pas y avoir de confiance sans cohérence. Nous devons appliquer ce que nous chroniquons : la mutation de nos sociétés et nos économies.

Ce n’est pas un choix militant, c’est une décision collégiale et cohérente.

Elle engage une réflexion profonde sur notre business model.
Faut-il continuer les activités du studio ? Oui car cela participe à notre indépendance mais aussi parce que les entreprises font partie intégrante de ces nouveaux modèles. Travailler avec elles nous permet de mieux comprendre l’époque.
Comment choisir les entreprises avec lesquelles nous refusons de travailler ? En élaborant une charte interne qui définira les secteurs et les pratiques auxquels nous n'apporterons pas nos compétences.

Notre sujet ce sont les tendances et les mutations.
On sait nous-mêmes qu’elles ne sont pas indolores.
Mais nous restons persuadés qu’elles s’imposent.
Et nous continuerons à vous les décrypter, en toute indépendance.