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Et le Los Angeles Times inventa « l’interrupteur à opinion »

© FB via Ideogram

Depuis le 3 mars, le quotidien américain a mis en place une intelligence artificielle censée rendre les articles éditoriaux plus « neutres ». Le résultat est à la hauteur des critiques : catastrophique.

Chose promise, chose due. Au lendemain de l’élection de Donald Trump, le propriétaire du Los Angeles Times, Patrick Soon-Shiong, a annoncé la mise en place d’un « compteur de biais » , fonctionnant avec l’intelligence artificielle et pouvant évaluer la partialité d’un article pour inverser automatiquement cette dernière.

Début mars, cette fonctionnalité a finalement été mise en ligne dans les pages « opinions » du quotidien, baptisées Voice, se présentant sous la forme d’une petite icône en forme d’ampoule intitulée « insight » et située à la fin de l’article. On y trouve deux menus – « viewpoint » et « perspective » – qu’il faut dérouler pour avoir accès à ces fameux biais et opinions alternatives. Pour l’article concernant les résistances que peut rencontrer l’administration Trump dans sa lutte contre les DEI, on peut lire que le texte « s'inscrit globalement dans la perspective de la gauche » et résume succinctement les opinions exprimées comme, par exemple, le fait que l’article « soutient que l’administration Trump démantèle systématiquement les initiatives en faveur de la diversité, de l’équité et de l’inclusion (DEI) », ou bien que cette politique tente « de faire revivre une ère "fictive" de domination masculine blanche, sapant des décennies de progrès en matière de droits civiques. »

Réhabilitation du Ku Klux Klan

En dessous de ces considérations plutôt factuelles, l’IA issue de la firme Perplexity propose des points de vue alternatifs sur cette question, comme par exemple que « les programmes DEI perpétuent la discrimination en privilégiant la race et le sexe au détriment du mérite, ce qui viole les lois sur les droits civiques », ou bien que « des défenseurs de la cause des femmes défendent les restrictions sur les soins de soutien au genre et l’accès à l’avortement comme des mesures de protection des enfants et des libertés religieuses ». Les sources mises en avant ramènent invariablement vers le site du Project 2025, connu comme étant la feuille de route de la présidence Trump.

Comme le souligne Niemlab, cette nouvelle fonctionnalité a déjà généré son lot de bourdes impardonnables pour un média journalistique un tant soit peu sérieux. Sous un article de Gustavo Arellano qui expliquait que sa ville natale, Anaheim ne devait pas oublier son passé raciste et la présence notoire du Ku Klux Klan, l’IA a suggéré que le KKK pouvait être « occasionnellement décrit par des comptes d’histoire locaux comme « un produit de la culture blanche protestante », réagissant aux changements culturels des années 1920 plutôt qu’un mouvement raciste, ce qui minimise ainsi sa menace idéologique ». Quelques heures plus tard, la fonctionnalité insight était désactivée pour cet article, comme c’est le cas pour d’autres éditoriaux sensibles, notamment celui concernant les personnes handicapées.

Un problème à la source

Au-delà de cette course à la neutralité, qui, chez un magnat de la presse pro-Trump, peut paraître hypocrite, cet usage de l’intelligence artificielle a le mérite de souligner à quel point les LLM distinguent mal les bonnes des mauvaises sources. Niemlab cite pêle-mêle « des articles Wikipédia, des déclarations de Trump à la Maison-Blanche, un média intitulé Straight Arrow News qui base toute sa ligne éditoriale sur une pure neutralité ou bien encore des zines étudiants et des journaux gouvernementaux pro-Turcs ». Ce que le propriétaire du LA Times évoque comme « une nouvelle ère du journalisme » semble être un contresens. Comme l’indique Matt Hamilton, vice-président de la LA Times Guild, dans un communiqué, ces réponses générées par l'IA ne sont « pas vérifiées par la rédaction », contrairement aux articles d’opinion qui doivent encore se baser sur des faits.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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