
Face à l'irrésistible érosion de la confiance dans la figure des journalistes, une nouvelle catégorie de pourvoyeurs d'information émerge sur le Web, à mi-chemin entre l'influenceur et l'éditorialiste.
Dans une Amérique qui se prépare à vivre à nouveau quatre années de trumpisme forcené, une personnalité du Web semble faire l'effet d'un phare dans la nuit. Il s'agit de Hasan Piker, plus connu sous le pseudo d'HasanAbi, un ex-journaliste et chroniqueur pour la chaîne YouTube The Young Turks et le Huffington Post, devenu l'un des streameurs de gauche (il est socialiste déclaré) les plus regardés et les plus influents de Twitch.
Le beau gosse qui transforme ta maman en militante socialiste
Suivi par 2,8 millions de personnes sur Twitch et 1,4 million sur YouTube, Hasan pratique principalement le format du « react », qui consiste à visionner et commenter de manière critique différents médias. Lors de ses précédents lives, il a suivi au jour le jour les enquêtes et les réactions autour de l'assassinat du CEO d'United Healthcare, ou bien a lu l'interview glaçante de Donald Trump dans le dernier magazine Time.
Très populaire chez les jeunes habitués de Twitch, et avec sa belle plastique et ses arguments choc passe bien auprès des parents de la génération Z. Certains internautes disent même avoir retourné les idées politiques de leurs proches en leur envoyant des extraits de ses vidéos. Ses propos qui justifient les attaques du 11 septembre ou celles du 7 octobre ne semblent pas émietter sa popularité, même si ce dernier est à présent accusé d'antisémitisme de la part d'autres streameurs. Il n'a pas fait campagne pour Biden et Harris lors de la présidentielle. Il a été l’une des voix pour dire que les Démocrates allaient dans le mur et que leur campagne ne parlait pas aux jeunes. Il a finalement préféré se concentrer sur la levée d’un million de dollars d’aide humanitaire pour Gaza.
Le pokedex des « jinfluenceurs »
Depuis quelques années, cette nouvelle classe de créateurs de contenu semblables à Hasan Piker a pris de l'ampleur sur les réseaux. S'ils cochent toutes les cases classiques de l'influence avec une présence sur de multiples comptes et un rapport parasocial avec leurs communautés, ils ont aussi cette particularité de commenter l'actualité à la manière d'éditorialistes souvent très orientés et engagés politiquement.
Appelés « jinfluenceurs » (un mot-valise comportant le J de journaliste) ou news influencers, ces derniers ont connu une grande visibilité lors de la présidentielle américaine. Du côté gauche de l’échiquier, on peut notamment citer le streameur Vauch (Ian Anthony Kochinski de son vrai nom), lui aussi socialiste et pro palestinien, qui utilise les méthodes de communication de l’extrême droite comme les mèmes et une tonalité assez agressive et tonitruante pour gagner de la visibilité sur YouTube (où il cumule plus de 495K abonnés). Steven Kenneth Bonnell II, plus connu sous le pseudo de Destiny, est plu^to du côté des Démocrates (il s'oppose clairement à la alt-right mais soutient plutôt l'Etat d'Israël) et propose à ses 861K abonnés YouTube des débats enflammés avec ses opposants d'extrême droite.
Du côté des conservateurs et pro-Trump, on retrouve Ben Shapiro, le Doppelgänger d'Hasan Piker, au phrasé mitraillette, qui inonde ses 7,5 millions d’abonnés Twitter d’extraits de ses vidéos où il tape sur l’avortement et le mariage gay, sans pour autant soutenir Donald Trump, qu’il considère comme « un démocrate centriste ». On peut aussi citer Steven Crowder, un ancien humoriste et ex-collaborateur de la chaîne Fox News, qui a milité pour la fin du politiquement correct dans les discours politiques et qui présente régulièrement des opinions homophobes ou anti-LGBT à ses 5,75 millions d’abonnés YouTube.
La fin de la neutralité à tout prix ?
Relativement nouveau, le phénomène des « jinfluenceurs » a récemment fait l'objet d'une étude de la part du Pew Research Center. Le centre de recherche américain a mené un examen approfondi sur un échantillon de 500 influenceurs d’actualité populaires et du contenu qu’ils produisent, issu d’une analyse de plus de 28 000 comptes de médias sociaux.
D'après cette étude, les créateurs commentateurs d’actualité sont majoritairement des hommes (63 %), présents surtout sur X (85 %) (Instagram et YouTube sont juste derrière). 48 % d’entre eux n’évoquent pas clairement leur soutien à un candidat précis, même si bien souvent les orientations idéologiques sont assez évidentes. Parmi ceux qui déclarent soutenir un candidat, 27 % sont du côté de Donald Trump contre 21 % pour Kamala Harris. À ces statistiques générales, il faut rajouter une nuance de taille. Comme nous l'avions déjà expliqué, les « jinfluenceurs » conservateurs détiennent une audience largement supérieure à celle des créateurs progressistes.
La véritable différence qu'apportent ces créateurs, c'est un rapport différencié à l'actualité. D'après l'étude, le public ultra-conservateur trouve dans le visionnage des influenceurs d'actualité une alternative aux médias traditionnels qu’ils jugent souvent biaisés ou critiques à leur égard. Ces influenceurs exposent ce qu’ils perçoivent comme des vérités négligées par les grandes chaînes d’information. S'ajoute à cela une impression d'appartenir à une communauté de croyance ou idéologique qui renforce leur vision du monde. Cette impression peut toutefois être trompeuse, comme ce fut le cas de Ben Shapiro, qui s’est fait critiquer par ses propres fans en s’en prenant aux motivations de Luigi Mangione, l’assassin présumé du PDG d’United Healthcare. À l'inverse, les viewers plus progressistes y trouvent une forme de vulgarisation d'informations complexes et des créateurs spécialisés sur des thématiques peu explorées par les médias.
Les uns comme les autres assument une forme de décryptage de l’actualité partisan et relativement transparent d’un point de vue idéologique. Contrairement aux journalistes américains mainstream, qui adoptent généralement une forme de neutralité politique, les « jinfluenceurs » donnent très rapidement le ton, et on les suit moins pour se tenir au courant de l’actualité brûlante que pour savoir quoi penser d’un évènement en particulier. La plupart ne vont pas forcément sur le terrain, ou bien ne rapportent pas directement de l’information, mais font en sorte de la rendre plus appétissante et même virale.
Et s’ils attirent autant de monde avec une apparente sincérité et transparence idéologique, ils ne sont toutefois pas à l’abri d’être, eux aussi, des rouages d’une communication orientée. En septembre 2024, le ministère de la Justice a ainsi inculpé une dizaine de personnes dans le cadre d’une enquête portant sur des opérations de désinformation massive menées par les hauts cadres de la chaîne de propagande russe RT. Au centre de ce système se trouvait la société de production Tenet, qui avait signé des accords avec plusieurs news influencers comme le youtubeur conservateur Matt Christiansen, l’ex-journaliste de Vice Tim Poole, ou bien Benny Johnson, ancien contributeur du média d’extrême droite Breitbart. En tout, plus de 10 millions d’euros ont été distribués à ces créateurs de contenu qui, sans vraiment savoir qu’ils étaient payés par le Kremlin, avançaient au fil de leurs vidéos l’idéologie poussée par Poutine.
Trop bien comme sujet ! En France à priori l'équivalent d'Hasan (dans le ton comme dans l'orientation politique) c'est Dany et Raz
Et c'est marrant parce que on dirait que les jinfluenceurs c'est juste un glissement politique des classiques revues de presse, ou des "reacts" de youtubeurs/streamers qui jusqu'ici ne faisaient que réagir à des programmes TV de divertissement
Ah les futurs "Nobel de littérature"...
Commenter un commentateur qui lui même va subir des commentaires; mais ou va ton ainsi c'est une chaine sans fin ( laisser un commentaire ) faire vivre un sujet rien que de jalonner les commentaires précédents ou veut-on en venir dans quel délire de mots à qui trouvera les meilleurs phrases les plus belles citations c'est qui ces intellectuelles polycopier ces clones du nouveau monde, on connait tous l'arroseur arrosé et bien maintenant cela va être l'influenceur influencer c'est le serpent qui se mort la queue et qui se demande mais pourquoi à quoi bon, réagir c'est parfois aussi se faire de l'autosatisfaction se faire du bien en s'écoutant dire des choses pour que les autres réagisses à
faire mieux à trouver et à rechercher ce qui ne va pas, jamais cela s'arrêtera de dire n'importe quoi c'est ça le commentaire.
Une carte de journaliste s'obtient avec l'éthique d'un métier qui s'apprend dans des écoles spécialisées. Je n'ai pas vu d'influenceurs sur le terrain en Ukraine, Iran ou Palestine ces derniers temps. Par contre des journalistes morts, on ne les compte plus.
Elle est ou la neutralité dans le journalisme habituel????
Je ne la vois pas. Des prises de position notamment quand il s'agit des palestiniens et le génocide en cours.
Les main stream média ont perdu toute crédibilité.
Parce que voyez-vous beaucoup de neutralité dans les interventions des chroniqueurs ou des présentateurs télé actuels tels que Patrick Cohen, Anne-Élisabeth Lemoine, Gilles Bouleau ou Anne-Claire Coudray ? Ils ne sont ni neutres ni objectifs dans leurs questionnements et leur vision du monde. Peut-être ont-ils une zone aveugle, ou bien ne travaillent-ils pas assez leurs sujets par peur de se faire virer. Ou alors, c’est un mélange de tous ces facteurs qui conduit à une neutralité qui n’en est pas une. (D’ailleurs, peut-on vraiment être objectif quand on est un acteur de la vie publique ? Je ne le pense pas. Autant montrer clairement son biais, je trouve cela plus sain.)
Le grand remplacement des islamo-gauchistes du régime diversitaire par les islamo-gauchistes "anti-système". Tout changer pour que rien ne change dans un milieu idéologiquement toujours orienté dans la même direction. Tu parles d'une révolution ! Un conservatisme encore plus radical dans le bourrage de crâne impitoyable de la doxa.
Parler de "neutralité" est fallacieux, il n'y a jamais de neutralité, les journalistes des grandes chaines choisissent juste de représenter certains camps politiques, qui ont généralement tendance à glisser vers l'extreme droite et à dicter les thèmes traités. On voit de temps en temps passer des etudes qui montrent que l'extreme gauche, au contraire de l'extreme droite, n'est jamais invitée sur les plateaux, et depuis Trump il a été amplement montré que bien des "journalistes" pouvaient relayer des mensonges comme opposition à un autre argumentaire plus fondé sur les faits pour atteindre cette "neutralité".
Cette pseudo-"neutralité" n'est qu'une lacheté, et la montée des influenceurs en stream est probablement plus due à un rejet du journalisme old-school qui ne s'est jamais remis en question après la "post-vérité" de Trump malgré les grand discours de l'époque qu'autre chose.