
Des contenus sur Internet essentiellement produits par des machines et destinés à faire cliquer des humains... Une théorie jugée complotiste devient de plus en plus plausible depuis la prolifération des IA.
Récemment, des images de Jésus greffé à une crevette (Jesus shrimp) sont devenues virales. Cette drôle de fusion prêterait à sourire si elle n'était pas symptomatique d'une prolifération de contenus déversés par des bots. « J'ai 112 ans et j’ai fait mon propre gâteau d'anniversaire avec de la crème de pêche », « j'ai sculpté Mark Zuckerberg dans du bois », peut-on lire en description d'images générées par ordinateur. L'ampleur de la diffusion de ces contenus est telle que la théorie de l'Internet mort, apparue dans les années 2010 sur le site 4chan, et reprise en 2021 sur le forum Agora Road’s Macintosh Cafe, a refait surface.
Un internet piloté par IA
Selon cette théorie, la plupart des contenus du Web seraient produits par des systèmes d'IA. Si elle a été au départ reléguée au rang de théorie du complot, elle paraît de plus en plus conforme au réel. Josh Yoshija Walter, professeur de transformation digitale à la Haute école spécialisée Kalaidos ainsi qu'à l'université de Berne, et auteur de l'article Artificial influencers and the dead internet theory, nous le confirme. « Quand cette théorie a vu le jour, nous avions encore besoin des humains pour créer des contenus de qualité, l'IA n'était pas suffisamment avancée. Mais avec le perfectionnement des grands modèles de langage, il est beaucoup plus réaliste de penser qu'Internet pourrait devenir un lieu rempli de contenus générés par des systèmes d'IA. À ce stade, la création de contenus comme les influenceurs artificiels n'est pas totalement automatisée, mais je pense qu'elle le sera bientôt. » Selon un rapport de l'agence européenne de police criminelle Europol, 90 % des contenus du Web pourraient être générés par IA d'ici 2026.
À qui profite l’Internet mort ?
Cette artificialisation des productions numériques s'explique en partie par le changement de modèle économique des plateformes. X et Tiktok rémunèrent désormais les créateurs au nombre de vues, sous certaines conditions (souscription à un compte Premium sur X etc.), ce qui encourage la production à la pelle de contenus engageants, leur partage automatisé et donc le recours à de l'IA. Selon une prépublication de chercheurs de l'université de Stanford et de Georgetown datant de mars 2024 (en attente de relecture par les pairs), l'algorithme de recommandation de Facebook amplifierait même la portée de contenus artificiels, en les faisant figurer dans le fil d'usagers qui ne sont pas abonnés aux faux comptes qui les partagent.
Une expérience en ligne dénaturée
Si une partie de ces comptes vise à appâter le chaland numérique sur des sites d'arnaques en ligne, ou à les dépouiller de leurs informations personnelles, d'autres remplissent une fonction de désinformation et de propagande massive. La théorie de l'Internet mort est d'autant plus crédible que les bots s'abonnent et interagissent entre eux pour gonfler leur nombre d'abonnés et gagner en légitimité auprès de vrais humains, dans le but de les influencer. Ils prolifèrent donc, de manière plus ou moins identifiable, sur les plateformes.
Le danger est bien le brouillage accru entre le réel et l'artificiel, déjà à l'œuvre avec les deepfakes. Pour Josh Y. W., il y a un risque que les usagers soient détournés du réel : « Des gens deviennent déjà accros à des systèmes simulant quelque chose de réel, comme les petites amies IA. Sans tomber dans cet "extrême", on peut craindre que l'humain consacre de plus en plus son temps, son énergie, ses émotions à des choses fausses. »
Un Internet en crise existentielle
L'idée d'un Internet mort charrie en creux la question du sens de l'existence d'Internet, qui ne remplit plus ses attributions premières. Alors qu'il a pu au départ être rêvé par quelques-uns de ses pionniers comme « un environnement chaleureux, amical » (Tim Berners-Lee), rapprochant les individus, le Web est de moins en moins propice aux interactions authentiques.
Josh Y. W. abonde : « Les réseaux sociaux sont au départ pensés comme un espace d'interaction sociale, mais ils sont davantage devenus un lieu de consommation. L'explosion d'images artificielles visant à susciter l'engagement l'illustre bien ». Le Web avait aussi pour vocation de devenir une "bibliothèque universelle", un lieu de partage de connaissances, selon la chercheuse Anne Bellon. Or les contenus générés par IA, mélange de contenus existants, ou hallucinations, ne semblent pas tirer Internet dans cette direction.
Josh Y. W. entrevoit deux mesures pour limiter les effets de l'épidémie de contenus artificiels et de bots : « Développer les compétences critiques des usagers par le biais du système éducatif et des médias ("AI criticality" ou "critical AI skills") et établir des sources sûres, avec un système de marquage ("AI watermarking") développé par des entreprises de confiance ». Si rien n'est fait pour authentifier les IA et encadrer leurs usages, la mort de l'Internet pourrait bien advenir.
Au delà de la sphère internet, on pourrait titrer "Une société en crise existentielle". Des films comme "Her" montrent que l'être humain, finalement, peut préférer une IA à un autre être humain. De la même façon que certaines personnes déclarent ouvertement préférer leur animal de compagnie à leurs collègues, par exemple. Il est toujours possible de n'accepter dans ses réseaux que des personnes que l'on côtoie IRL, ou encore de ne faire confiance qu'aux sites qui ont pignon sur ure, par exemple, ce qui limite la portée de cette invasion IA.
Omnireso, je sais que tu n'est pas une IA car : "il y a pignon sur ure", les robots ne font pas de fautes de frappes... du moins sans doute pas encore.
Nous pouvons dire que nous sommes au moins deux sur ce site 😉
Nous allons devoir trouver des astuces pour les détecter. Pour le moment ils sont assez "basiques". Ce sont les commentaires à sens unique, les articles, et tout autre information non interractive comme les avis en général dont il faut se méfier en priorité.
+1 ...
On peut se demander aussi comment a été rédigé cet article...
"Selon un rapport de l'agence européenne de police criminelle Europol, 90 % des contenus du Web pourraient être générés par IA d'ici 2026. Cette information a été trouvé sur https://dailygeekshow.com/contenu-en-ligne-ia/ datant de 2022...
D'où viennent ces citations? Je pense qu'à l'avenir les sources devraient être systématiquement fournies pour éviter justement de se faire berner par une IA ou par un journaliste utilisant une IA...
Hegel disait que « le faux est un moment du vrai » et Debord d’ajouter: « dans le monde réellement renversé le vrai est un moment du faux »
ça fait de longue que les webmasters, SEO and co savent très bien que le trafic réel du moindre site est composé a minima de 50-60% de bots pour les moteurs de recherche. Cela devait servir à la base pour une meilleure expérience utilisateurs, qu'ils disaient, maintenant il n'y a plus que les directeurs commerciaux ou les clients qui y croient encore à certaines hausses de la fréquentation. Mais oui, mais oui...