
Des milliers de tiktokeurs à travers le monde listent toutes les tendances qu’ils ne supportent plus sur le réseau social et qu’ils renomment « propagandes ». Le début d’une ère réflexive pour TikTok ?
Quel est le point commun entre le lait cru, les injections aux lèvres et la méritocratie ? Eh bien, une seule et même tendance : les « propagandas I am not falling for » – ou, en français, les « propagandes auxquelles je ne céderai jamais ». Un format qui a envahi TikTok ces dernières semaines. Le concept ? Dérouler, face cam, la liste de toutes les trends du réseau social auxquelles on ne succombera jamais, au grand jamais !
Et tout y passe : des objets et produits qui font fureur depuis les Labubus, sortes de poupées porte-clés un peu flippantes mais ultra-populaires, le matcha, la skincare coréenne, les santiags…, aux aesthetics très influentes (SkinnyTok, clean girl, old money…), en passant même par des sujets profonds, voire politiques (l’épilation comme acte féministe, idéaliser les relations toxiques, le contrôle des naissances…).
Quand la GenZ ouvre les yeux
Alors quoi, c’est la révolution sur la planète TikTok ? Le peuple des réseaux remet en question les poncifs et les modes marchandes ? Effectivement, il semble que la GenZ, qui a grandi avec la plateforme, exprime enfin son ras-le-bol face à ces tendances innombrables et à leur lot d’injonctions. C’est ce que confirme une utilisatrice française, qui s’est jetée sur la tendance « propagandas » dès son apparition outre-Atlantique : « Je trouve que ce sont des trends hyperculpabilisantes, qui mettent une pression pour être parfaite et nous enferment dans des cases. Donc j’ai ressenti le besoin d’en dénoncer certaines, comme celle de la clean girl. »
En fond sonore de ces vidéos, la musique I think about it all the time de Charli XCX. Un choix qui reflète bien ce climat frondeur. Dans ce titre, la reine du « brat summer » de 2024 partage ses questionnements sur son désir (ou pas) de maternité, dans une société qui s’empresse de lancer le compte à rebours une fois les 30 ans passés.
Bienvenue sur metaTikTok
Serait-on en train d’entrer à la naissance d'une nouvelle ère de TikTok ? Où le réseau social, à l’origine prescripteur, se veut maintenant plus conscient, réflexif et autocritique ? Un metaTikTok, en somme ? La force du phénomène nous donne matière à y croire. Car on parle quand même d’un mouvement qui a engrangé plusieurs millions de posts et suscité de nombreux débats, plus ou moins constructifs, en commentaires.

Il s’agit sans doute d’une lueur d’espoir sur une plateforme réputée pour court-circuiter l’esprit critique des utilisateurs avec son système de scrolls infinis et de captation de l’attention. Rien qu’en mars dernier, l’Assemblée nationale votait la création d’une nouvelle commission d’enquête parlementaire, inquiète des effets psychologiques délétères de TikTok sur les jeunes, du fait de ce mécanisme notamment.
Le refus devient la nouvelle norme
« Avec cette vidéo, je voulais donner mon avis sur certaines trends que tout le monde suit, alors que parfois ça ne va pas du tout ! », souligne une autre tiktokeuse, qui a également repris la tendance. Car oui, derrière ces longues listes hétéroclites, il y a surtout une volonté de se distinguer par le refus, de s’extraire de cette masse qui adhérerait aveuglément à toutes les tendances qu’on lui sert.
Certes, la trend « propagandas » est pétrie de paradoxes. Déjà, parce que cette critique des tendances devient elle-même la dernière tendance. Mais aussi parce que ceux qui cherchent à se différencier disent tous les mêmes choses et créer ainsi une nouvelle norme.
Ces derniers jours, on a pu mesurer les autres limites du phénomène. La tendance a vu émerger sa petite sœur plus obéissante ( « propagandas I AM falling for »). Et elle s’est aussi transformée en une sorte de défouloir narcissique d’exaspérations personnelles et en lieu de clashs idéologiques (entre filles et garçons, extrême droite et gauche…). De quoi dévier l’élan collectif critique et ironique de départ. TikTok est peut-être prêt pour une prise de conscience à la marge, mais, pour la révolution radicale, il faudra attendre encore un peu…
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