
Des centaines de sites génèrent chaque jour des articles bourrés de fausses informations de manière automatique qui se retrouvent propulsés par Google dans les flux d’actualité.
Bernadette Chirac morte, Jaden Smith qui danse sur Gangnam Style et Emmanuel Macron bientôt papa... Sur Google Actu ou sur l’onglet Discovers, on tombe régulièrement sur ces fake news issues de sites obscurs qui se font passer pour des organes de presse. Ces actualités totalement bidon se glissent dans les recommandations automatiques d’articles et côtoient des articles de médias réels grâce à un très bon SEO, une optimisation des titres et des mots-clés. Et un manque patent de régulation.

Une usine à fake news
Beaucoup de ces fake news sont issues d’un site en particulier. Il s’agit de Mediamass, un faux site people chinois qui diffuse depuis 2012 de la désinformation en 7 langues. Son modus operandi est toujours le même. Le site reproduit inlassablement le même type d’informations : un chien malade se fait opérer, une rumeur de décès ou de grossesse, ou l’évocation d’un nébuleux scandale, puis change les noms de famille en mettant des personnages politiques ou médiatiques bien connus. Les textes ont l’air d’avoir été générés par IA, les noms des journalistes sont faux et la date de parution des articles est constamment renouvelée, ce qui laisse croire que les « informations » sont fraîches d’un ou deux jours.
À la lecture, les articles arrivent à tenir plusieurs paragraphes en ne donnant aucun fait concret. Prenons le cas d'un article titré « L'affaire Renaud Donnedieu de Vabres », une polémique supposée être en train d'enflammer la France, qui « fait couler beaucoup d’encre » et qui aurait déclenché un « scandale planétaire ». Les superlatifs s’enchaînent sans que l’on sache de quelle nature est le scandale. D’autres articles frisent le comique comme celui sur Emmanuel Macron qui attend un enfant, révélations faites par un voisin de table dans un restaurant qui aurait vu « le ventre rond de sa compagne » et le fait que cette dernière « ne trinquait pas avec du vin. » Le site se ménage une porte de sortie avec un lien vers une page interne. Cette dernière indique que l’intégralité des articles présents seraient parodiques et censés dénoncer le cycle incessant de production et de consommation de news. On appréciera.

La catastrophe médiatique en cours
Avec un peu plus d’un million de visiteurs par mois d’après siterankdata, Mediamass serait loin de sa gloire passée. En 2018, un article de 20 Minutes faisait état de 3,2 millions de visites mensuelles, ce qui prouve que même pour les sites de fake news, les audiences sont en baisse. Cependant, ils bénéficient encore des recommandations générées par les algorithmes de Google. Ce soutien est d’autant plus préoccupant que l’année 2024 présente un nombre record de scrutins qui seront probablement influencés par des outils de génération de textes et d’images.
Le 8 mai 2023, l’ONG NewsGard spécialisée sur l'étude de la désinformation avait identifié une cinquantaine de sites de désinformation générés par IA. En janvier 2024, neuf mois après, ce chiffre a été multiplié par plus de 10 avec 676 sites produits directement en une quinzaine de langues bénéficiant des revenus de la publicité programmatique. Parmi les sujets qui ont atteint le stade de la viralité, on peut citer une rumeur reprise sur Global Village Space, site qui se fait passer pour un site pakistanais d'actualités, selon laquelle le psychiatre de Netanyahou, un certain Moshe Yatom, se serait suicidé. À noter qu'il n'existe pas de psy du nom de Moshe Yatom, et qu'aucun Moshe Yatom n'est mort. L'article généré par IA s'inspire d'un autre article, clairement satirique, publié en 2010 sur le blog Legalienate. L'auteur du billet, Michael K. Smith, a lui-même confirmé qu'il s'agissait d'une satire. Au site d'information The Associated Press, il a déclaré : « Le but était d’attirer l’attention sur la folie désespérée de la politique israélienne d’une manière divertissante. » L'aspect humoristique n'a pas été pris en compte par Global Village Space qui a présenté cette farce en news. L'infox a cartonné dans les résultats Google avant d'être repris par la télévision iranienne et sur TikTok.
Interpellé par 404 Media (l’article a été relayé par Endgadget) pour laisser passer des fake news générées par IA, Google s’est défendu en indiquant que ce type d'articles étaient rarement mis en avant dans son fil d’actu et apparaissaient seulement dans les résultats de requêtes très spécifiques. Depuis 2023, la politique de Google serait de ne pas pénaliser a priori les articles générés par des IA. La firme a expliqué à Engadget qu'elle tente de récompenser surtout « le contenu original qui démontre des éléments tels que l'expertise et la fiabilité ». Une approche perfectible donc.
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