
Suite à la prolifération de fake news ayant entraîné de violentes émeutes en Angleterre cet été, le pays a décidé de prioriser l’éducation aux médias.
Pour cette rentrée scolaire, les enfants d’Angleterre risquent de voir leur programme quelque peu chamboulé. Suite à ce que les médias britanniques qualifient d’ « émeutes les plus violentes depuis celles de 2011 », la ministre anglaise de l’Éducation, Bridget Philipson, a annoncé la révision des programmes scolaires, afin d’apprendre aux enfants à détecter les infox. « Notre réforme des programmes inclura l'acquisition de compétences critiques pour armer nos enfants face à la désinformation, aux fausses informations et aux théories du complot nauséabondes qui abondent sur les réseaux sociaux », a-t-elle déclaré le 10 août au Telegram. Mais comment en est-on arrivé là ?
Fausses informations, vraies conséquences
Le 29 juillet dernier, le pays découvrait sous le choc une attaque au couteau menée lors d’un cours de danse à Southport. Trois fillettes sont tuées et huit autres enfants et deux adultes blessés par l’assaillant, arrêté dans la foulée. Il s’agit d’un jeune homme né au Pays de Galles, de parents rwandais très investis dans l’église locale. Aussitôt, des rumeurs démarrent en ligne et de fausses informations sont diffusées par des comptes d’extrême droite très suivis. Le compte X Europe Invasion, aux propos anti-migrants, affirme que l’assaillant est un migrant musulman arrivé récemment en Angleterre par bateau. Tommy Robinson, fondateur et dirigeant jusqu’en 2013 du groupuscule islamophobe English Defense League (Ligue de défense anglaise), déclare sur son compte X, suivi par un million d’abonnés, qu’il s’agit d’un « djihadiste ». Selon l’ancien boxeur Anthony Fowler, aux discours virulents contre l’immigration, le tueur de Southport est au contraire un « mec de Syrie ». D’autres personnes encore avancent qu’il est Pakistanais, tandis que le canal Telegram Southport Wake Up ( « Réveille-toi, Southport » ) appelle à « aller défoncer des Pakis » et à manifester dans les rues. Le pays s’embrase, des émeutiers attaquent des mosquées ou des hôtels pour demandeurs d’asile en scandant « Arrêtez les bateaux ! », ou encore le nom de Tommy Robinson. Au terme de dix jours de chaos, près de 500 personnes sont arrêtées. À Manchester, l’un des participants interpellé par la police est âgé de seulement 13 ans.
Un style de pensée analytique face aux infox
C’est donc dans ce contexte tendu que le gouvernement de Keir Starmer semble avoir compris que les jeunes internautes ont besoin d’outils pour résister à la désinformation. Pour former l’esprit critique des jeunes, la ministre de l’Éducation préconise d’inclure le sujet des fake news dans différentes matières. Concrètement, les élèves pourraient analyser des articles de presse en cours d’anglais afin de discerner les propos mensongers des vrais, ou encore apprendre à détecter des images trafiquées lors des cours d’informatique. Les plus jeunes ne sont malheureusement pas à l’abri des infox, d’autant plus que TikTok, leur plateforme préférée, est le deuxième réseau social où la désinformation circule le plus, juste derrière Twitter, révèle une étude menée par le groupe de défense des droits Integrity Institute. « Le développement du sens critique est probablement le meilleur moyen pour lutter contre les effets de la désinformation, en tout cas le moins liberticide, car il n’implique pas de voter des lois qui pourraient potentiellement restreindre la liberté d’expression », souligne Laurent Cordonier, sociologue travaillant sur la désinformation et les croyances sociales.
L’Angleterre n’est évidemment pas le seul pays à être touché par le phénomène massif des fake news et à vouloir s’en prémunir, surtout qu’elles sont en constante augmentation. Selon une étude Onclusive-Digimind, rien qu’entre septembre et novembre 2023, les informations erronées sur les réseaux sociaux ont été multipliées par 34, passant de 79 000 à 2,7 millions ; une explosion provoquée par le conflit entre Israël et la Palestine. En France, l’actualité a récemment été secouée par une fausse Une de Libération sur des athlètes tombés malades après avoir nagé dans la Seine, ou encore par une rumeur annonçant une rentrée scolaire reportée à cause du virus mpox. Mais si l'on veut trouver un véritable exemple de lutte contre les fake news, c'est vers Taïwan qu'il faut se tourner. Le petit État insulaire situé à moins de 200 km de l'est de la Chine traite la désinformation comme un virus et met ses citoyens en première ligne pour lutter contre ce fléau qui menace sa souveraineté.
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