Des arbres du Sud

Planter des arbres du Sud au Nord, une fausse bonne idée pour le climat ?

Des arbres du sud de la France, plus résistants à la chaleur, sont exportés dans des régions plus au nord, où ils seraient plus adaptés face au réchauffement climatique. Cette migration dite assistée inquiète les spécialistes.

Des chênes et des hêtres typiques du sud de la France exportés vers la région Grand Est. Le processus est en cours depuis déjà une vingtaine d'années dans l'espoir de sauver la forêt française menacée par les bouleversements climatiques. Ce projet initié par l'Office national des forêts soulève des espoirs…, mais masque de sérieux doutes.

On a oublié les effets des microclimats

Cette méthode dite de "migration assistée" consiste à déplacer des arbres habitués aux régions chaudes pour reboiser les zones plus fraîches où les écosystèmes devront s'habituer à la hausse des températures prévue dans les décennies à venir. Sur le papier, l'idée semble bonne et elle est d'ailleurs très populaire aux États-Unis comme en Europe. Mais une étude parue dans la revue Oikos en décembre dernier pointe quelques limites. « En voulant bien faire, on va plutôt précipiter le changement climatique, assure Richard Michalet, un des auteurs, de l'Université de Bordeaux. Les forêts créent des microclimats en leur sein, et si on les modifie brutalement, cet effet ne fonctionne plus et il y a un réchauffement global. »

L'idée est que les forêts du Nord, caractérisées par des arbres hauts et feuillus, favorisent le maintien d'une température raisonnable sous la canopée. En cas de chaleur, la forêt reste fraîche, et lors de périodes de froid, il y fait au contraire un peu plus chaud. Un effet tampon qui ne serait, selon le chercheur, pas suffisamment pris en compte lors des tests de migration assistée. « Les arbres du Sud sont plus petits, et ont moins cet aspect protecteur, précise-t-il. On aura alors des forêts plus chaudes, mais aussi plus sujettes aux risques d'incendie, ce qui peut se révéler désastreux. »

Si on veut remplacer les forêts, il faut le faire progressivement

Cela dit, ce point de vue reste très minoritaire dans le monde agricole. La France a déjà eu recours à la migration assistée il y a des siècles, notamment pour planter des pins dans les Landes. Mais cela s'est fait pour des raisons avant tout économiques afin de relancer la filière bois. Aux États-Unis, la migration assistée pour lutter contre le réchauffement climatique se déroule avec succès, mais les arbres ne sont pas les mêmes et ne présentent que peu de différence entre l'Arizona et l'État de Washington.

En France, l'ONF est largement soutenu par l'INRAE pour orchestrer cette migration. L'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement n'a d'ailleurs pas relayé l'étude en question malgré le fait qu'un des auteurs en fasse partie. Le gouvernement français, de son côté, compte défricher les forêts endommagées pour replanter des centaines de milliers d'arbres. « Ce serait la pire des solutions, assure Richard Michalet. Les arbres mettent des décennies à provoquer l'effet tampon face aux températures élevées. Si on veut remplacer les forêts, il faut le faire progressivement, en diversifiant les essences, mais pas de cette manière. Il y a une volonté politique d'aller dans ce sens, mais tout n'est pas pris en compte. »

Malgré ces doutes, le processus se poursuit doucement en France. Depuis 2001, 7 000 arbres du Sud ont été exportés. Mais il faut attendre encore des décennies pour constater les avantages ou inconvénients réels. Un temps long qui paraît compliqué à respecter en ces temps d'urgence climatique.

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