
Un nouvel espace dédié à la transition des entreprises vient d'être créé au cœur de Paris. Le projet est notamment porté par Lucie Basch, la fondatrice de Too Good To Go.
Rassembler sous un même toit start-up, militants, associations, grands groupes, artistes ou encore scientifiques ? C'est le pari de la « Climate House », le nouveau haut lieu de la greentech qui vient d'ouvrir ses portes à Paris au cœur du quartier du Sentier, et dont L'ADN est partenaire. Inauguré en présence de l'ingénieur superstar Jean-Marc Jancovici et du Antoine Pellion, secrétaire général à la planification écologique, le lieu veut être un « accélérateur de transition ». Comment compte-t-il y parvenir ? Rencontre avec Lucie Basch, créatrice de Too Good To Go et porte-parole des 80 associés de la « Climate House » .
Qu'est-ce que la Climate House ?
Lucie Basch : Ce sont 80 entrepreneurs qui ont décidé de mettre leurs ressources en commun au service de leurs convictions qui est celle d'accélérer la transition climatique. En tant qu'acteur économique, on a un vrai rôle et une vraie capacité pour permettre à tout ça d'avancer. On s'est donc dit qu'il fallait qu'on se retrouve sous un toit commun dans un lieu physique, et on a ouvert ce grand espace de 2000 m2 au centre de Paris pour rassembler un écosystème désireux de faire accélérer la transition.
À quoi va ressembler le quotidien à la Climate House ?
L.B. : D'abord, c'est un lieu de travail pour une cinquantaine d'organisations qui ont emménagé le 1er octobre. Ensuite, c'est une programmation qui démarre à partir du 4 novembre. Toutes les semaines, nous accueillerons différents types d'évènements : des conférences, des ateliers, des débats, etc. L'idée, c'est vraiment de faire se rencontrer différents acteurs sur des sujets spécifiques pour permettre à chacun d'apprendre les uns des autres. Le troisième pilier, c'est ce que l'on appelle l'« Impact Factory ». C'est l'idée d'accélérer la transition des grands groupes en les mettant en lien avec l'écosystème climat pour mettre en place de vrais plans d'action.
Comment est née l'idée de créer ce lieu ?
L.B. : Nous nous sommes réunis il y a un an avec Claire Bretton, Jack Habra et Clément Alteresco, les trois autres cofondateurs. Nous avons constaté que nous étions tous concernés par ce sujet et qu'on avait besoin d'un lieu pour se retrouver et pour en parler. On a initié une dynamique et nous sommes allés chercher tous les gens dans nos réseaux qui partagent cette envie d'accélérer la transition. À la fin, cela donne donc 80 entrepreneurs, 40 femmes et 40 hommes, dans un même lieu dédié à la transition climatique de l'économie.
Quel est votre modèle économique ?
L.B. : On veut allier les enjeux économiques aux enjeux écologiques et sociaux. Donc sur chacun de nos projets, on a un modèle économique. Concernant l'espace, on a mis en place en place un système de « collocs ». Chaque entrepreneur présent paie une partie du loyer. La programmation est payante, avec des tarifs adaptés selon les budgets. Les grands groupes apportent aussi un financement sur les programmes d'accélération.
Quelles sont les sociétés qui vont être accompagnées dans leur développement à la Climate House ?
L.B. : LCL est le premier grand groupe à embarquer dans notre programme « Impact Factory ». Serge Magdeleine, le nouveau directeur général qui est arrivé il y a tout juste un an, est venu nous voir. Il a demandé à la Climate House de venir « incuber » son comité exécutif pour essayer de définir les objectifs et le plan de transition. Ils seront accompagnés pendant un an par nos partenaires et vont loger leur Direction Climat à la Climate House. Au quotidien, cette direction sera donc au contact de notre écosystème. Du côté des plus petites structures présentes à la Climate House, les profils sont très variés. Cela va de l'entreprise d'alimentation durable Omie & Cie au collectif Quota Climat, en passant par l'ONG Ashoka. Au quotidien, leur présence dans un même lieu va permettre d'accroître les synergies.
Comment éviter que les grands groupes puissent utiliser Climate House pour en faire un temple du greenwashing ?
L.B. : C'est une question qui est beaucoup revenue dans nos échanges avec les 80 cofondateurs. Nous sommes tous très sensibles à cela. Chez Climate House, vous ne verrez jamais le nom d'un grand groupe mis en avant. Notre rôle n'est pas de faire de la communication. On va juste les aider en interne à faire avancer leurs sujets, mais pas pour communiquer sur ce qu'ils font, ni se porter garants de la manière dont ils le font. C'est très clair dans notre façon de travailler. Nous avons fait en sorte que ce ne soit pas intéressant pour eux de venir juste pour un enjeu de communication. L'idée, c'est vraiment de les accompagner vers un plan de transition. Au lieu de le faire uniquement en interne, ils peuvent se servir de notre écosystème pour y arriver de manière plus complète.
Les militants et les activistes ont parfois des relations compliquées avec le monde économique. Est-ce qu'ils sont aussi les bienvenus à Climate House ?
L.B. : Complètement ! C'est tout l'enjeu de ce lieu. Nous sommes tous dans la même équipe pour le climat, et pourtant, on a parfois l'impression qu'on se tire nous-mêmes dans les pattes dans la façon dont on approche les sujets. On a besoin de toutes les sensibilités et approches pour réussir cette transition climatique collective. L'idée de se retrouver sous un même toit, c'est de se dire que, même s'il y a des désaccords, l'important c'est d'échanger et d'être en capacité de se dire les choses. Les activistes ont besoin des grands groupes et les grands groupes ont besoin des activistes.
Ces dernières années, on a vu beaucoup d'initiatives se multiplier dans la French Tech puis dans la greentech. Toutes n'ont pas été pérennes. Vous vous inscrivez dans la durée ?
L.B. : On sait que la transition va prendre du temps. Tant qu'on ressent le besoin d'être là, nous serons là. Aujourd'hui, ce qu'on ressent le plus fortement et ce qui a dicté notre démarche, c'est le besoin de se parler les uns les autres. Je doute que cela change dans les prochaines années.
À l'heure où l'écologie subit un backlash en politique, vous pensez qu'il vaut mieux miser sur les entreprises ?
L.B. : Ça ne peut plus être l'un ou l'autre. Il faut que tous les acteurs s'y mettent. Les entreprises doivent y aller, quel que soit le gouvernement et ses orientations. Ce n'est pas une question de choix. Mais plus on ira tous dans la même direction, plus ce sera facile pour chacun d'entre nous d'y aller. Plus le gouvernement nous facilitera la tâche, plus on pourra y aller rapidement. Si on avance dans des directions différentes, ce sera nécessairement plus douloureux pour tout le monde.
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