La 17e édition des Arcs Film Festival, qui se tiendra du 13 au 20 décembre dans la station savoyarde, fera de la démocratie son fil rouge cette année. Alors que nos sociétés font face à des défis sans précédent, le festival consacre sa programmation aux rapports entre le septième art et le pouvoir politique.
Dans les Alpes, ce ne sont pas encore les skieurs qu’on attend, mais 25 000 spectateurs et plus de 900 professionnels du cinéma pour une édition qui mettra notamment à l’honneur le cinéma grec et la trilogie du Caire du réalisateur suédo‑égyptien Tarik Saleh. Entre projections, débats citoyens et rencontres professionnelles, le festival poursuit son ambition de faire dialoguer cinéma et enjeux de société. Le fil rouge de cette année, « Cinéma et démocratie : Aux Arcs, citoyens ! », résonne comme un écho contemporain à l'urgence politique qui traverse l'Europe.
Pendant une semaine, plus de 120 films venus des quatre coins de l'Europe seront labellisés « Déplacer les Montagnes », symbole de cette ambition de bousculer les conformismes et d'interroger notre rapport au pouvoir. Les projections seront accompagnées de ciné-débats avec des personnalités de premier plan : Cyril Dion, réalisateur du César du documentaire Demain (2015), Marc Lazar, professeur émérite à Sciences Po et spécialiste des populismes européens, Léna Mauger, cofondatrice de la revue Kometa née après l'invasion de l'Ukraine ou encore Adrien Rivierre, membre de L’ADN Le Shift et fondateur du média Résonances qui fait dialoguer les artistes avec notre époque.
« Le cinéma entre en résistance », une nuit de réflexion collective
C'est devenu le rendez-vous culte du festival : la Nuit au chalet. Dans un refuge perché en altitude, accessible uniquement en raquettes, une quinzaine de professionnels du cinéma se retrouvent pour une longue veillée au coin du feu.
Le thème de cette année ? « Le cinéma entre en résistance ». Face à la montée de l'obscurantisme en Europe, face aux attaques contre la liberté d'expression, quel rôle le septième art peut-il encore jouer ? Comment continuer à filmer, raconter, projeter un monde qui bascule ? Ces questions-là méritent plus qu'un panel de quinze minutes. Elles méritent une nuit entière.
Tarik Saleh achève sa trilogie du Caire
Le festival accueillera en invité d'honneur Tarik Saleh, dont la trilogie du Caire a marqué le cinéma politique contemporain. Sur une période de dix ans, le cinéaste suédo-égyptien a disséqué les mécanismes du pouvoir en Égypte à travers trois thrillers politiques.
La trilogie débute en 2017 avec Le Caire Confidentiel, Grand Prix du Jury au Festival de Sundance, qui suit un détective égyptien corrompu enquêtant sur le meurtre d'une chanteuse. En 2022, La Conspiration du Caire remporte le Prix du scénario au Festival de Cannes en s'infiltrant dans les coulisses de l'université Al-Azhar du Caire et en exposant les luttes de pouvoir au sein de l'élite religieuse. La trilogie s'est achevée cette année avec Les Aigles de la République, présenté en compétition officielle à Cannes et sélectionné par la Suède pour représenter le pays aux Oscars. Tourné en 65mm, le film raconte l'histoire d'un acteur égyptien en déclin contraint d'incarner le président al-Sissi dans un film de propagande…
La Grèce, pays à l'honneur : de Costa-Gavras à Lanthimos
Berceau de la démocratie, comment ne pas faire de la Grèce l'invitée d'honneur de cette édition si particulière ? Son cinéma a donné naissance à certaines des œuvres les plus puissantes du septième art politique européen. Parmi eux, Costa-Gavras, 92 ans, n’a jamais cessé de marteler que « Tous les films sont politiques ». Né en Grèce en 1933 et exilé en France après la guerre civile, il réalise en 1969 Z, film historique inspiré de l'assassinat du député grec Grigoris Lambrakis. L'œuvre remporte l'Oscar du meilleur film étranger et devient le premier film à être nominé simultanément dans les catégories "meilleur film" et "meilleur film étranger".
Mais le cinéma hellénique contemporain se célèbre tout autant avec la « Greek Weird Wave », ce mouvement né de la crise économique des années 2000. À sa tête : Yorgos Lanthimos, qui a développé un univers unique mêlant absurdisme, dystopie et critique sociale. De Canine (2009) à Poor Things (2023), qui a raflé quatre Oscars, Lanthimos n'a cessé de bousculer les codes et d'interroger les structures de pouvoir avec un humour noir décapant. Enfin, Athina Rachel Tsangari, productrice et réalisatrice d'Attenberg (2010) et Chevalier (2015), complète ce panorama du cinéma grec contemporain. Ce dernier, satire de la masculinité où six hommes en croisière s'affrontent dans un concours absurde, illustre le regard acéré porté par la nouvelle génération de cinéastes grecs sur leur société.
7 jours pour 120 films
Au-delà du fil rouge démocratique, le festival déploie une programmation ambitieuse de plus de 120 films européens : compétition de longs et courts métrages, section Hauteur pour les cinéphiles aguerris, les « Oscar au Ski », des avant-premières françaises et section Playtime ouverte à tous les publics.
Côté professionnel, l'Industry Village et le Sommet Distribution-Exploitation réuniront plus de 900 professionnels venus financer les films de demain et accompagner les sorties à venir. Car Les Arcs n'est pas qu'un rendez-vous de spectateurs : c'est aussi l'un des grands marchés du cinéma européen indépendant.
« Nous voulons continuer à être un laboratoire d'idées, une chambre d'écho, un stimulateur du changement et d'engagements », annonce le festival dans son communiqué. Pendant huit jours, la station savoyarde devient une agora où le cinéma s'affirme comme un acte démocratique. Aux Arcs, on ne regarde pas simplement l'époque défiler : on la questionne, on la bouscule, on cherche ensemble à déplacer les montagnes.
Informations pratiques
📍 Lieu : Les Arcs, Savoie
📅 Dates : Du 13 au 20 décembre 2025
🎟️ Public : 25 000 spectateurs attendus, professionnels et grand public.
Plus d’informations sur la programmation et les événements professionnels sur lesarcs-filmfestival.com.
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