
Follow the money : la finance mise gros sur les marchés prédictifs, tandis que leur usage explose auprès du grand public.
En quelques années, les marchés prédictifs sont passés d’une curiosité réservée à la cryptosphère, à un nouvel eldorado de l’industrie des paris. Aux États-Unis, Polymarket, Kalshi ou Myriad permettent de pronostiquer à peu près tout : élections, géopolitique, culture pop. La promesse de ces plateformes ? Suivre l’actualité mondiale sous forme de probabilités, tout en misant quelques dollars. Un système décentralisé qui fonctionne grâce à la blockchain et aux cryptomonnaies, sans bookmaker, les utilisateurs fixant eux-mêmes les cotes.
Depuis 2024, les volumes échangés impressionnent : sur Polymarket, près de 28 milliards de dollars ont été pariés en un an. Une croissance fulgurante qui attire de prestigieux investisseurs. La Bourse de New York a ainsi misé 2 milliards de dollars sur Polymarket, tandis que Kalshi, son principal concurrent, a levé un 1,3 milliard auprès des capital-risqueurs de la Silicon Valley.
Autour des levées de fonds, l’écosystème se développe avec des partenariats stratégiques qui impliquent Robinhood (courtier grand public), Coinbase (plateforme crypto), ou encore DraftKings, leader américain des paris sportifs. Au-delà de la finance X, Perplexity et Substack intègrent les données des marchés prédictifs dans leurs applications. Tout comme Google, qui associe les courbes de tendances de Polymarket à ses résultats de recherche. Fin 2025, Shayne Coplan, le jeune CEO de Polymarket, fait même la couverture de Forbes. Sacré “Prince de la prédiction”, il devient l’incarnation médiatique de cette nouvelle vague d’enthousiasme qui gagne les milieux d’affaires.
En France, Polymarket est interdit depuis les soupçons de manipulations lors des législatives de 2024. Mais de plus en plus, Polymarket devient une source alternative que l’on cite comme un baromètre « plus fiable » que les médias ou les instituts de sondage. Problème : le délit d’initié y est encore très fréquent. L’Europe résistera-t-elle à la déferlante des marchés prédictifs ? Les paris sont ouverts.
En attendant, les dérives se multiplient. Le site d'investigation tech 404 média a révélé que la carte en direct de l'Institute for the Study of War (ISW) – référence mondiale pour suivre les lignes de front en Ukraine – avait été modifiée en novembre pour afficher une fausse avancée russe sur la ville de Myrnohrad. Juste à temps pour valider un pari sur Polymarket et verser les gains. L'édition frauduleuse a disparu quelques heures plus tard. L'ISW a dénoncé une « modification non autorisée » et condamné fermement l'utilisation de ses données à des fins de paris.




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