Palmer Luckey

Palmer Luckey veut devenir le « roi de la guerre » de la Silicon Valley

© capture YouTube

Selon Palmer Luckey, qui a fait d’Anduril Industries l’une des sociétés de technologie militaire les plus réputées aux États-Unis, l’IA a rendu le secteur de la défense « cool ». Et il est bien décidé à en profiter.

Il n’est pas très connu de ce côté-ci de l’Atlantique. À mi-chemin entre Jack Palmer et Lucky Luke, son nom pourrait même faire sourire plus d’un amateur de bandes dessinées… Mais le trentenaire, adepte des chemises hawaïennes et des sandales, mérite pourtant qu’on s’intéresse à son profil. D'autant plus qu'il opère dans un secteur hautement stratégique : l'industrie de la défense.

Palmer Luckey

Qui est Palmer Luckey ?

Palmer Luckey s'est fait connaître du grand public en 2012 avec son projet Oculus Rift. Des casques de réalité virtuelle qui lui ont permis de réaliser sa première culbute, en revendant sa boite, deux ans plus tard, à Facebook, pour un montant d'un peu plus de 2 milliards de dollars. Palmer ne fera pas long feu chez Facebook, devenu Meta. Il est licencié en 2017, sur fond de rumeur de divergences politiques avec Mark Zuckerberg. Palmer a notamment financé en secret un collectif pro-Donald Trump, qui s'attaquait parfois violemment à Hillary Clinton sur les réseaux sociaux. Il a également participé à hauteur de 100 000 dollars à l'investiture du président américain. La même année, il lance Anduril (nom tiré de l’univers de Tolkien) financé notamment avec Peter Thiel, PDG de Palantir (société spécialisée dans l'analyse de données sensibles, très largement employée par les services secrets). Thiel partage avec Palmer des idées libertariennes et une proximité avec la droite conservatrice américaine. La mission de l'entreprise est simple : conduire les États-Unis et ses alliés à la suprématie technologique dans la guerre du futur. Parmi les premiers projets de société nouvellement créée : un « mur virtuel » équipé de caméras haute précision, de réalité virtuelle et d'IA pour surveiller la frontière entre le Mexique et les États-Unis.

L'entreprise, récemment évaluée à près de 10 milliards de dollars, possède désormais des contrats de plusieurs milliards de dollars avec le Département américain de la Défense et de la Sécurité intérieure, les Forces de défense australiennes et le ministère britannique de la Défense.

Anduril, le game changer de la défense

Anduril se distingue par sa manière d’aborder la question de la défense. En effet, la startup fabrique certaines armes autonomes des plus futuristes. « L'IA change la donne à bien des égards, car elle vous permet de déployer un grand nombre de systèmes d'une manière beaucoup plus intelligente et beaucoup plus utile que ce que nous avons pu faire auparavant », a déclaré Luckey dans un entretien à Bloomberg Technologies. Elle permet par exemple aux sous-marins militaires robotisés de décider, sans intervention humaine, s’ils doivent suivre une cible, tenter de la faire exploser ou adopter une autre ligne de conduite. Parmi les autres systèmes d'armes autonomes alimentés par l'IA de l'arsenal d'Anduril : le Roadrunner (un animal des zones désertiques de l’Utah qui a inspiré un personnage bien connu des amateurs de dessins animés). Lancé en novembre 2023, ce drone militaire peut attaquer des engins évoluant à plus de 1 000 mètres d’altitude et pesant plus de 500 kg. Mais, contrairement aux systèmes d’armes traditionnellement utilisés pour lutter contre des engins balistiques, si le Roadrunner n’atteint pas sa cible, il peut revenir à la base et se poser. Un peu comme les fusées Space X. Il peut également se coordonner avec d’autres Roadrunners en cours de vol.

Vidéo de présentation - © Anduril

L'IA fera des victimes innocentes

Pourtant, l'entrepreneur passionné d'IA qui considère Sam Altman comme « un leader incroyable », met en garde sur l'usage militaire de l'intelligence artificielle. Selon lui, il est « certain » que les systèmes pilotés par des IA tueront des innocents. « C’est une certitude si l’intelligence artificielle devient un élément essentiel de la manière dont nous menons les guerres. L’existence d’un algorithme ne peut remplacer la responsabilité humaine dans le déploiement de ces armes. Et il faut que ce soit une personne qui comprenne profondément les limites du système et qui soit tenue responsable en cas de problème. Mais la guerre, c'est l'enfer, et elle ne sera pas parfaite. » Des propos qui ne rassurent pas quand on sait que les technologies développées par Anduril sont utilisées dans des conflits en cours (Ukraine / Russie et Israël /Hamas).

« La technologie de défense est cool »

La vision avant-gardiste et technophile de la guerre d'Anduril attire la jeune génération de talents de l'IA. La société grandit à un rythme effréné et possède déjà plusieurs sites à travers les États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie. Une situation qui fait sourire l'entrepreneur de 31 ans. S'exprimant au Tech Forum Innovation à Irvine le 1er mai, Palmer a déclaré qu'il voyait un énorme changement par rapport à l'époque où Google et d'autres piliers de la Silicon Valley boudaient, voire se moquaient, du secteur militaire. « Maintenant, la technologie de défense est cool. La guerre entre l’Ukraine et la Russie a accéléré l’utilisation de l’ IA sur les champs de bataille. Le conflit a fait changer d’avis, au moins temporairement, un certain nombre de personnes, ce que j’ai l’intention d’exploiter au maximum. »  

Palmer Luckey serait-il le Elon Musk de la défense ?

Palmer Luckey et Elon Musk partagent quelques traits en commun. Hormis le fait qu'ils sont tous deux devenus rapidement milliardaires en vendant leur première entreprise (PayPal pour le premier, Oculus pour le second), ils ont tous les deux un profil d'inventeur/entrepreneur capable d'innover à la fois sur le hardware et le software. Les deux hommes partagent également une approche innovante du réemploi pour réduire les coûts d'exploitation. Les deux hommes sont aussi « Donald Trump compatibles ». Si Elon Musk n’est pas « officiellement » partisan, il n’a cependant pas hésité à rouvrir le compte Twitter de l’ancien président, lors de sa prise de fonction comme nouveau CEO de X (ex-Twitter). Palmer, lui, est officiellement supporter du candidat républicain à la prochaine élection. Enfin, tous deux sont des collectionneurs. Si Elon Musk possède une collection de voitures assez impressionnante (et pas seulement des voitures électriques), la vision avant-gardiste de Palmer ne l'empêche pas de se passionner pour les véhicules militaires anciens. Dans sa résidence, qui ressemble au repaire d'un méchant de James Bond, Luckey possède 6 hélicoptères, un bateau acheté à l'US Navy, un Humvee (véhicule tactique léger) du Corps des Marines... et une base de missiles souterraine, a-t-il révélé dans le dernier épisode de « The Circuit » de Bloomberg.

Peggy Baron

Chaque jour je m'installe à la terrasse de l'actu et je regarde le monde en effervescence. J'écris aussi bien sur les cafards cyborg que sur le monde du travail, sans oublier l'environnement et les tendances conso.

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