Gilles Dufraisse, Producteur et réalisateur chez InFocus Prod

Gilles Dufraisse est membre de L’ADN Le Shift, le collectif du média L'ADN, son prolongement humain.

Si vous deviez raconter votre parcours en quelques lignes… quel fil rouge relie vos différentes vies professionnelles et personnelles ?

G.D. : L'envie de connecter différents mondes et de favoriser plus de compréhension, plus d'empathie. Je suis un enfant de la campagne, fils d'agriculteur qui a étudié à HEC et qui fait maintenant des films sur la nature, sur les humains et sur ce qui relie tout ça. Je déteste mettre les gens dans des cases et le manque de nuance qui traduit souvent une forme de paresse intellectuelle, celle de changer de point de vue. C'est ça que j'essaie de porter dans tous mes films.

Aujourd’hui, qu’est-ce qui vous occupe l’esprit ou vous fait vous lever le matin (en dehors du café) ?

G.D. : Comment faire pour ne pas tout détruire, pour préserver les forêts primaires du bout du monde comme les zones humides de France ? Comment enrayer cette force de destruction ? C'est ça qui me fait me lever le matin et me donne envie de travailler avec des nouvelles personnes, imaginer de nouveaux modèles économiques et des nouveaux récits pour susciter l'espoir d'une alternative.

Y a-t-il une rencontre, une date ou un moment qui a changé votre manière de voir le monde ?

G.D. : La rencontre avec Tison, un fils de pêcheur, sur une île perdue d'Indonésie. Il a appris l'anglais avec son téléphone, s'est instruit tout seul et se bat sans relâche pour préserver les récifs coralliens qui entourent son île. Une claque de par sa détermination et d'engagement.

Les œuvres (romans, films, expositions, séries, BD, musiques…) qui vous ont retourné·e ou que vous glissez volontiers dans les mains de vos amis ?

G.D. : L'Adversaire de Carrère pour le trouble immense qu'il a suscité en moi.
Robinson Crusoé pour le rêve d'enfant qu'il allume toujours dans un coin de ma tête.
Le documentaire Demain de Cyril Dion qui a ouvert la voie sur l'espoir et l'action qu'un documentaire pouvait susciter.

Mutation ou transformation : quel grand changement (sociétal, technologique, culturel…) vous semble le plus déterminant pour votre secteur ?

G.D. : L'IA dans la création audiovisuelle. Omnipotence créative. Et en même temps prolifération infinie d'images et dévalorisation de l'artisanat de la création. Comment apprivoiser cet outil sans s'y brûler les doigts ?

Une collaboration, un projet ou une initiative dont vous êtes particulièrement fier·e ?

G.D. : Notre nouveau monde, mon dernier documentaire nature, tourné aux 4 coins de la planète (Kenya, Inde, Australie, Japon, France) grâce à des équipes locales. Une intention de réduction de l'empreinte carbone du film qui a généré de magnifiques rencontres et un film authentiquement planétaire dans les multiples voix et personnalités qui le fabriquent.

Votre manière d’innover : comment cultivez-vous la curiosité ou la créativité dans votre quotidien professionnel ?

G.D. : Quand j'ai l'impression de ne pas bien comprendre un sujet ou une tendance, je rencontre des gens qui comprennent mieux que moi et je leur demande de me partager leur regard. Je fais ça régulièrement sur l'IA dont je peine toujours à bien saisir toutes les implications sur mon travail.

Une personnalité ou un courant de pensée qui influence votre manière de voir le monde du travail ?

G.D. : Hartmut Rosa, sociologue allemand qui a écrit l'ouvrage intitulé "L'accélération". Il donne des clés de compréhension pour analyser ce sentiment que je ressens "tout devient plus rapide". Il me donne aussi des raisons pour ne pas accepter de jouer systématiquement le jeu de cette grande accélération, de résister par le ralentissement dans le rythme de travail.

Vous faites partie de L’ADN Le Shift, ce think tank un peu hors-norme : qu’avez-vous envie d’y trouver, ou d’y apporter ?

G.D. : Des rencontres, des idées peu communes, des controverses, de nouvelles façons de faire sens du chaos ambiant.

Votre ambition ou vos rêves pour demain : quel impact aimeriez-vous avoir sur votre organisation, votre secteur ou la société ?

G.D. : Avoir craqué le récit qui rend inconcevable la poursuite de la destruction des derniers coins de nature "intacte" de notre planète.

Enfin, si vous deviez résumer votre raison d’être en une phrase, une maxime, une réplique culte ou même une punchline… Ce serait ?

G.D. : L'important c'est pas la chute c'est l'atterrissage (La Haine).

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