Pourquoi certaines communautés croissent et s'imposent (tandis que d’autres vivotent et s’étiolent)

De l’Empire britannique aux communautés punks en passant par le dernier peuple autochtone d’Europe… Trois conseils de lecture pour résoudre cette énigme.

Impitoyable par Edmond Smith, ou l'ascension brutale de la puissance industrielle britannique

Comment la Grande-Bretagne s’est imposée comme l’une des plus grandes puissances économiques ? C’est la question à laquelle s’attaque l’historien britannique Edmond Smith qui s’intéresse ici à la période de 1660 à 1800. Spécialiste de l'émergence et du développement des systèmes économiques mondialisés, il aime à tisser des liens entre les facteurs sociaux, politiques et institutionnels et leur rôle dans la génération d'innovation et de croissance économique.

Cela lui permet d’avancer à grand renfort de chiffres frappants et de faits passionnants une chose simple mais souvent mal énoncée : l’émergence d’un écosystème complexe a besoin de nombreux facteurs. Certains reposent sur la concentration (des talents, de l’argent, des savoirs…), d’autres sur l’ouverture (sur le monde, les idées, les échanges…), cela exige la multiplication des initiatives individuelles, la force des collectifs et la volonté politique. Le tout prend du temps et ne se fait pas sans lutte ni douleur. Edmond Smith raconte comment la traite négrière a enrichi non seulement des hommes influents, mais aussi des marins, des commerçants, des veuves et des fermiers de tous horizons, ou comment deux frères anglais ont assuré leur fortune en dérobant les plans de machines et le savoir-faire d'artisans italiens.

Impitoyable : Une nouvelle histoire de l'ascension de la Grande-Bretagne vers la richesse et la puissance, 1660-1800, par Edmond Smith, Yale, 464 pages (non traduit)

Post Mortem de Aaron Cometbus, ou qui a tué l’underground ?

Aaron Elliott, mieux connu sous le nom d'Aaron Cometbus a tenté bien des expérimentations dans les marges. Musicien, auteur, compositeur, journaliste, il a créé le fanzine punk Cometbus, dont il a fait son patronyme. Lancé à Berkeley en 1981, Cometbus était autoédité, généralement manuscrit, changeait pourtant de nom à chaque numéro. Dans son nouvel essai, Post Mortem, il se livre à une vaste étude sur l'underground aux États-Unis. Entre l'inventaire et l'autopsie, il tâche de répondre à une question : pourquoi les expérimentations de la marge finissent toujours par mourir. Est-ce qu’elles sont invivables « by design », notre société est-elle programmée pour les détruire, ne sont-elles viables qu’à l’état d’utopie ? Autant de questions qu'Aaron Cometbus pose sans concession – pour tâcher de comprendre où la marge se fourvoie pour ne jamais pouvoir devenir le modèle dominant.

Post Mortem, Aaron Cometbus, Demain les flammes, 256 pages

Faire tribu, ou comment peut-on faire des trucs (qui marchent) ensemble ?

Hugo Paul finissait ses études d’ingénieur quand il a décidé de bifurquer en s’inventant un métier : explorateur de communautés. Il s’est donné un an pour en rencontrer une dizaine qui ont pour particularité d’avoir tenu dans la durée, parfois sur plusieurs siècles. Quels sont leurs modèles de gouvernance, leurs valeurs, leurs moyens financiers… Hugo Paul livre aussi un certain nombre de secrets qui ont permis leur réussite : l’irénisme (qui consiste à chercher ce qui réunit plutôt que ce qui divise), cultiver toutes les échelles de la communauté, admettre des outsiders…

Faire tribu, 365 jours d'exploration pour renouer avec la puissance du collectif dans un monde qui nous isole, Hugo Paul, Eyrolles, 224 pages