
Elle brille au doigt des esthètes soucieux de suivre leur santé en temps réel. Mais de quoi la bague Oura est-elle le nom ? Au regard des partenariats noués par l’entreprise, notamment avec Palantir, et plus largement de l’essor du mouvement MAHA, une autre ombre plane...
Le mieux-être est-il l’ennemi du bien-être ? On pourrait se poser la question quand on écoute les confessions des super trackers, ceux qui aiment collecter et analyser une somme de données en temps réel sur l’état de leur personne, grâce à une foule de dispositifs connectés. La bague Oura est l’un des form factors qui cartonne en la matière… Développée par une startup finlandaise, cette bague au design minimaliste est capable de suivre sommeil, respiration, fréquence cardiaque, stress… Au point justement d’en devenir une source d’angoisse pour les plus hypocondriaques d’entre nous : c’est l’Oura Paranoia, comme on l'appelle sur les réseaux sociaux – et elle concerne bien sûr tous les autres wearables de santé.
Corréler ces données biométriques avec d’autres sources
Le New York Times s’est intéressé au phénomène, en recueillant le témoignage de ces super trackers quelque peu dépassés par la situation, entre ceux qui surveillent leur rythme cardiaque 24 h/24 et ceux qui s’inquiètent pour leur prochain score de sommeil avant même de poser la tête sur l’oreiller. Alors ces produits promettent-ils une reconnexion au corps, se pourrait-il qu’ils créent plutôt une médiation anxiogène entre nous et nos sensations ? C’est l’analyse de Jacqueline D. Wernimont, spécialiste de l'histoire de la quantification : « Ils retirent l'autorité et la connaissance de l'individu pour les placer dans un tiers. » Pour les experts, ce tracking permanent, voire incontrôlé, est aussi l’expression d’un désir de contrôle sur certains pans de notre vie quotidienne, alors que le monde est secoué par des crises en cascade…
Mais cette paranoïa individuelle pourrait-elle faire le lit d’une surveillance plus systémique ? Fin juin 2025, le nouveau ministre de la Santé, Robert F. Kennedy Jr, et chantre du mouvement Make America Healthy Again, a déclaré devant le Congrès qu’il souhaitait que tous les Américains portent des appareils de suivi de santé d’ici quatre ans – une proposition qui a suscité l’inquiétude jusque dans ses propres rangs. The Cut, qui a interrogé un expert en cybersécurité, soulève les questions qui font mal : la capacité à corréler ces données biométriques avec d’autres sources, comme la géolocalisation, la propriété des données une fois collectées par des tiers (coucou 23 andMe) ou issues d’appareils possiblement subventionnés par l’État…, sans parler de possibles conflits d’intérêts dans la sphère MAHA, comme avec Calley Means, conseiller de la Maison Blanche dont l'entreprise facilite l'achat de wearables via les Health Saving Accounts (compte d'épargne santé, un dispositif américain), ou sa sœur Casey Means, influenceuse et cofondatrice d'une société de capteurs de glucose, nommée médecin-chef des États-Unis par Trump – un mélange des genres savoureux, auquel elle a récemment promis de mettre avant son entrée en fonction officielle.
Partenariat avec Palantir
La question de la gouvernance de la donnée biométrique s'impose d'autant plus que la dynamique Oura s’accélère. En septembre 2025, la société a levé 875 millions de dollars lors d’une série E, doublant sa valorisation à près de 11 milliards de dollars. La société table sur plus de 1 milliard de chiffre d’affaires en 2025 et vise le 1,5 milliard en 2026. Une croissance actuellement dopée par les femmes, la distribution physique et les comptes d'épargne santé, va permettre à Oura de massifier la production et d’accélérer son internationalisation.
Dans le même temps, c'est une autre annonce qui a suscité un vif débat sur les réseaux sociaux, notamment sur Reddit. Oura, qui travaille « de longue date » avec le Department of Defense (DoD), a confirmé un partenariat technologique avec la FedStart platform de Palantir. Cofondée par le milliardaire libertarien Peter Thiel, nimbée d'une réputation sulfureuse, Palantir est une société américaine spécialisée dans l'analyse des données sensibles et la surveillance. L’entreprise dément tout « partenariat massif » et insiste sur le caractère limité et certifié IL5 de cette contractualisation, qui ne permet ni accès aux données des clients grand public, ni croisement entre plateformes hors usages militaires strictement consentis. Devant le tollé, le CEO, Tom Hale, a même dû prendre la parole publiquement pour affirmer qu’ « Oura ne vendra jamais les données de ses clients » et rappeler que celles-ci peuvent être supprimées à tout moment.
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