
Cluely, la startup de triche assistée par IA, incarne une nouvelle vague d'entreprises où l’innovation consiste à emballer de larges modèles de langage déjà existants.
C’est une histoire de winner comme la Silicon Valley sait si bien les raconter. Chungin « Roy » Lee, étudiant de 21 ans, vient de lever 5,3 millions de dollars de financement d'amorçage auprès d'Abstract Ventures et de Susa Ventures pour sa startup, Cluely. Son application, alimentée par l’IA, propose un service parfaitement en adéquation avec son époque, à savoir : « Tricher sur tout ».
Dupe et copycat... l'innovation qui triche sans complexe
Chungin « Roy » Lee a expliqué dans un thread devenu viral sur X qu’il avait été suspendu de l’université de Columbia pour avoir développé, avec un ami (et cofondateur de sa boîte), un outil appelé Interview Coder qui lui a permis de tricher pendant des examens ainsi que durant des entretiens d’embauche pour des postes d’ingénieur logiciel. Interview Coder affiche une fenêtre de chat uniquement visible pour son utilisateur et connectée à l’écrit et au son de l’ordinateur. En plus des dissertations ou des réponses à donner à des employeurs potentiels, l’appli promet aussi d’assister les commerciaux dans leur tunnel de vente, ou de servir de béquille culturelle et de générateur de réponses lors d’un date, via des lunettes connectées. On est à deux doigts de dire que « tout ça ressemble un peu trop à un épisode de Black Mirror » – mais on ne franchira pas cette ligne.
OpenAi, le nouveau vendeur de pioche
Au-delà de cette success story, une question se pose : est-ce que toutes les startups du moment seraient des AI wrapper ? Le terme peut être traduit par « emballage IA ». Il désigne des applications ou des services qui encapsulent de larges modèles de langage comme GPT, Claude et autres pour offrir des solutions à des problèmes particuliers. En gros, c’est une interface utilisateur sympathique posée par-dessus un accès plus ou moins personnalisé aux API de Google, OpenAI...
D’après CNBC, la valeur au sein de l’industrie de l’intelligence artificielle va bien se déplacer des entreprises qui développent des modèles de langage aux applications qui s’appuient dessus. Il suffit d’observer les levées de fonds des entreprises comme le moteur de réponse Perplexity, valorisé à 14 milliards de dollars en utilisant un mélange de GPT et LLama ou l’assistant pour cabinet d’avocats Harvey, valorisé à 3 milliards de dollars, pour se rendre compte que c'est moins le contenu technique qui est valorisé mais l'emballage, ultra-spécialisé de ces modèles d'IA.
C’est ce concept d'AI wrapper qui est mis en lumière par des influenceurs entrepreneurs fans d’IA comme Pieter Levels. Ce dernier s’est fait le chantre du vibe coding, une manière de créer des applications en générant du code (souvent approximatif) avec des LLM. Son rôle d’évangéliste consiste à répandre l’idée selon laquelle n’importe qui ayant une idée d’appli ou de service peut la mettre en œuvre sans aucune compétence technique. Dans cette optique, on comprend mieux pourquoi OpenAI a récemment fait l’acquisition de l’entreprise Windsurf pour 3 milliards de dollars. Cette dernière propose un outil d’assistance au coding et promet à n’importe quel débutant de pouvoir créer une application complexe sans jamais avoir écrit une ligne de Python. Outre le fait de pouvoir récupérer une large base de données d’utilisateurs ayant un besoin professionnel pour ce type d’outil, Sam Altman met ainsi la main sur des milliers de prompts et de corrections de code rédigés au sein de la plateforme– une manne qui servira à l’entraînement de ses modèles. En fin de compte, les fournisseurs d’IA comme OpenAI appliquent ce vieil adage datant de la ruée vers l’or : « Quand un bon filon est découvert, celui qui est certain de faire fortune... c’est le vendeur de pioches ».
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