Trump en méchant Jedi avec un laser rouge

Comment la Maison-Blanche use de l’humour cruel des mèmes...

© Compte X de la Maison-Blanche

Les équipes de Trump communiquent à coups de mèmes et de trolling. Une stratégie payante inspirée par l’alt-right américaine.

La peine des uns fait sourire la nouvelle administration Trump. Pour communiquer sur l'arrestation d'une ressortissante dominicaine, le compte X de la Maison-Blanche a publié, fin mars, un dessin généré par IA dans le style du célèbre Studio Ghibli, cofondé par le réalisateur japonais Hayao Miyazaki.

Sur cette image, une migrante pleure à grosses larmes, menottes aux poignets. L’opération de communication dégradante n’a pas manqué de choquer de nombreux utilisateurs de la plateforme d’Elon Musk. Il n’empêche, elle a porté ses fruits en récoltant 75 millions de vues et semble devenir une stratégie à part entière.

Cette tendance « Studio Ghibli », qui pose de sérieuses questions des droits d’auteur, a inondé les réseaux sociaux ces dernières semaines. D’autres politiques s’y sont essayés, comme Emmanuel Macron, Manon Aubry ou encore Gabriel Attal. À une grande différence près : « Dans les mains des équipes de Trump, le mème a pour objectif de cibler et de discriminer des communautés entières, par exemple les femmes ou les personnes racisées », souligne Albin Wagener, maître de conférences en sciences du langage à l'université catholique de l'Ouest à Angers.

La viralité par le divertissement

Peu importent les critiques, depuis leur prise de fonction, les équipes des réseaux sociaux du président des États-Unis jouent les trolls. La Maison-Blanche a publié en mars une vidéo – depuis supprimée – de migrants renvoyés du pays. En fond sonore, ni plus ni moins que Closing Time, succès des années 90 du groupe de rock Semisonic. Les paroles font alors écho à la politique migratoire de la nouvelle administration américaine : « C'est l'heure de la fermeture, ouvre toutes les portes. »

Interrogée par des journalistes, Karoline Leavitt, porte-parole de la Maison-Blanche, a assumé cette communication clivante. « Je pense que cela résume assez bien notre politique d'immigration : « Vous n'avez pas besoin de rentrer chez vous, mais vous ne pouvez pas rester ici. » Menottes qui s’entrechoquent, bruit sourd de fouille corporelle… Fin février, la Maison-Blanche avait engrangé une centaine de millions de vues grâce à une vidéo reprenant les codes de l’ASMR, tendance sonore censée relaxer les auditeurs.

« Cette communication est une façon de mettre du divertissement partout », analyse Albin Wagener. « Quelque part, rien n’a de sens et rien n’est sérieux, pas même une arrestation. » Pour ce spécialiste, l’usage des mèmes viserait donc à dédramatiser et à dépolitiser la gravité des actions des équipes de Donald Trump. Une vision d’autant plus efficace que sur les réseaux sociaux, rien n’est plus viral qu’un contenu provocant.

Quand la culture 4chan prend le pouvoir

Ce goût pour le trolling ne se limite pas au numérique. Il se retrouve également dans les prises de parole des proches de Donald Trump. Face au tollé provoqué par la publication de la migrante grimée en personnage du Studio Ghibli, le responsable des communications de la Maison-Blanche, Kaelan Dorr, a enfoncé le clou, promettant que « les arrestations se poursuivront, les mèmes continueront. »

Durant son premier mandat, Donald Trump avait déjà cassé les codes en transformant X en outil politique. Un comportement largement copié sur la scène politique américaine et internationale. Avec ce nouveau virage, il pourrait généraliser l’utilisation d’une culture du mème prisée par l’alt-right. « Cette stratégie fonctionne si l’on s’attarde sur leurs audiences, donc devrait inévitablement lancer une tendance plus large », reconnaît Albin Wagener. « Ce ne serait pas surprenant de voir les équipes du président utiliser des mèmes pour promouvoir sa guerre commerciale. »

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