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Prepper Disk : L' « Internet de poche » qui veut nous préparer à l'apocalypse

Contre quelques centaines de dollars, une entreprise vous propose d’acquérir un Prepper Disk, un disque dur contenant toutes les informations qu'on trouve sur Internet pour pouvoir les consulter..., même en cas d'apocalypse.

Avant d’être considéré comme une usine à algorithmes exploitant notre attention à coups d’images générées par IA, le Web était surtout perçu comme une réserve inépuisable de ressources et d’informations pratiques. C’est cette vision – saupoudrée de panique apocalyptique – que vend Prepper Disk, une entreprise américaine dont le business atypique est en train d’exploser.

Un Web local contre l'autodafé numérique

Comme l’explique un article de 404media, les Prepper Disks sont de petits boîtiers contenant un mini-ordinateur centré autour d’un disque dur à grande capacité et d’une antenne Wi-Fi. Jusque-là, rien de révolutionnaire. Mais, le vrai intérêt de l’objet se trouve dans les données qui y sont stockées. Les Prepper Disks embarquent une sauvegarde intégrale de Wikipédia, 90 000 guides issus du site de tutoriels WikiHow, des guides de réparation d’objets iFixit, des sauvegardes de sites Web gouvernementaux (dont des guides FEMA et des sauvegardes des National Institutes of Health qui ont récemment été supprimés par l’administration Trump), des cartes routières et des plans détaillés des grandes villes du monde, des conférences TED sur l'agriculture et le survivalisme, 60 000 livres électroniques et divers autres contenus censés vous permettre de survivre à n’importe quel effondrement de société.

Inspirés de l’initiative Internet in a Box qui propose d’apporter les savoirs les plus utiles d’Internet dans des zones non connectées, les Prepper Disks peuvent aussi servir de « Web local » durant des catastrophes humanitaires ou en zone de guerre. Mais si ce type de produits attire généralement les survivalistes, une nouvelle clientèle s’est mise à les acheter juste après l’élection de Donald Trump. Interrogé par 404, le concepteur Adam Chace explique que ses clients sont aussi des citoyens inquiets de voir les purges massives des sites Web gouvernementaux, ou bien tout simplement des vacanciers voulant emporter un Internet de poche en camping.

Reprendre le contrôle sur nos archives

De manière plus globale, le succès des Prepper Disks semble aussi s’inscrire dans un mouvement plus large de rejet des sauvegardes de données dans le cloud, cloud qui pourrait du jour au lendemain devenir inaccessible et rendre l’accès à l’information ou aux données personnelles impossible. L’ancienne journaliste de Vice et artiste musicale Janus Rose a d’ailleurs proposé un manifeste du « digital ratpack » qui résume parfaitement les enjeux. Pour la petite histoire, un ratpack est un rat américain qui accumule des petits objets et qui a donné son nom à la catégorie des gens qui ne supportent pas de jeter quoi que ce soit à la poubelle. Dans ce manifeste, Janus Rose rappelle que les livres qui sont achetés sur Amazon pour la liseuse Kindle n’appartiennent pas vraiment au consommateur, mais sont plutôt une licence de contenu numérique qui peut être annulée à tout moment. La plateforme a ainsi supprimé des Kindle certaines versions du roman 1984 en 2009. Même chose pour les films visionnables sur les plateformes de streaming qui ne sont parfois plus édités en DVD et qui peuvent disparaître si l’entreprise les retire.

C’est justement pour contrer ce genre de pertes que des sites comme Internet Archive mettent à la disposition des internautes des films, des musiques ou des livres, même si ce genre de partage est considéré par les industries culturelles comme une forme de piratage. Après un procès perdu en 2020 contre un consortium d’éditeurs, l’ONG subit actuellement une pression judiciaire de la part des majors qui refusent de voir la mise à disposition gratuite et ouverte des centaines de milliers de disques 78 tours numérisés, dont 95 % sont tout bonnement introuvables sur les plateformes de streaming et ne représentent donc aucune valeur commerciale.

Face à cette fragilité des archives en ligne, le manifeste encourage à revenir aux bonnes vieilles habitudes des internautes des années 2000 qui pirataient et sauvegardaient les médias sur leurs disques durs. « Cela demande du temps et de la patience que beaucoup de gens n'ont plus, et cela ne peut certainement pas rivaliser avec la commodité du streaming », explique Janus Rose. « Alors que les grandes entreprises et les algorithmes resserrent leur emprise, je pense que nous avons grand besoin d'une seconde renaissance des médias "faits maison". »

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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