une imge de Luigo avec une arme qui vise... qui ?

Sur TikTok, tout le monde euphémise sur un potentiel assassinat politique

Depuis l’élection de Donald Trump, un mème appelant à l’assassinat du président ou d’Elon Musk circule de manière virale sur TikTok tout en restant dans le clair-obscur de l’euphémisme.

« Si je le fais, vous allez me déclarer coupable ? Parce que quelqu’un doit le faire, pas vrai ? », « Je ne dis pas que quelqu’un devrait le faire… ce n’est pas ce que je suis en train de dire », « Moi, attendant que quelqu’un le fasse rapidement », « Est-ce que quelqu’un peut le faire ? N’importe qui ? » Depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, un drôle de mème circule sur TikTok. Il s’agit généralement d’une personne se filmant face caméra et demandant aux viewers de « le faire », ou bien montrant la danse ou la réaction de joie qu’ils auront quand ils entendront « la nouvelle ».

@breezleweezle

might have to delete this is unhinged even for me

♬ original sound - breeze

On sait tous de qui ça parle

La blague réside évidemment dans le non-dit et la connivence qui lie ensemble tous les tiktokeurs qui ont compris la signification de cette demande, à savoir l’assassinat de Donald Trump ou d’Elon Musk. Parfois, les allusions sont beaucoup plus précises. Certains tiktokeurs évoquent « les deux tentatives ratées », en référence aux tentatives d’assassinat en juillet et septembre 2024. Certains vont même plus loin, appelant à un rassemblement collectif à Washington.

Comme l’indique un article du média américain progressiste The Nation, « Internet est à la fois un terrain de jeu et un panoptique. Il existe bien une frontière, mais elle est invisible, mobile et généralement imposée par des bureaucrates sans humour. » Autrement dit, les blagues tournant autour d’assassinats politiques sont aussi ludiques que dangereuses à faire. Le 21 février dernier, un utilisateur de X a été arrêté dans l’Indiana pour « intimidation criminelle ». L’homme avait menacé de tirer sur Elon Musk, qu’il avait qualifié de « rat musqué » ( « muskrat » en anglais), sous couvert d’humour edgy. L’auteur même de l’article, qui a fait une blague dans un style bien plus euphémiste, s’est quant à lui vu doxé par des comptes d’extrême droite.

Mais ces menaces ne semblent pourtant pas ralentir cette tendance. Bien au contraire, le contexte politique actuel fait tout pour la renforcer. Pour rappel, ce mème intervient cinq mois après l’assassinat de Brian Thompson, directeur général de UnitedHealthcare. Ce meurtre avait immédiatement pris des connotations politiques et laissé les médias mainstream pantois devant le déchaînement d’humour noir et revanchard qu’il avait suscité sur le web. Alors que Luigi Mangione, l’auteur présumé du meurtre, risque actuellement la peine de mort, sa figure de « saint patron des meurtres socialement acceptables » semble planer au-dessus de cette blague.

L'humour qui compense l'impuissance ?

Pourquoi autant de gens flirtent-ils ainsi avec les frontières de la légalité pour inciter à demi-mot au meurtre politique ? Pour le tiktokeur @etymologynerd, l’attrait de cette blague tient surtout dans son utilisation assez subtile de l’implicite du message, qui reste très vague et en même temps clairement énoncé.

Cette tension fait que ces vidéos intègrent tous ceux qui comprennent la blague dans une sorte de communauté humoristique presque secrète, au sein de laquelle on peut projeter ses plus sombres fantasmes de violence et voir ces derniers être légitimés par les autres. Mais de la même manière que l’indignation et la colère mises en scène en ligne, l’humour noir n’appelle pas vraiment au changement ni à l’action politique, et sert plutôt de triste preuve : celle de l’impuissance politique.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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