Une manifestation LGBTQ+

Transphobie et anti-wokisme : les nouvelles luttes des droites radicales

© Norbu Gyachung

Les mesures contre les droits des personnes trans se multiplient. Quels sont les ressorts de cette déferlante transphobe ? Entretien avec Maud Royer, autrice du livre Le lobby transphobe, aux éditions Textuel.

Dès le premier jour de son investiture, se vantant de lutter « contre l’extrémisme de l’idéologie du genre », le président américain Donald Trump nie l’existence même des personnes trans – 0,6 % de la population nationale – en passant un décret ne reconnaissant uniquement que deux sexes, masculin et féminin. Dans les faits, cette mesure impose aux agences fédérales d’émettre tout document administratif national avec le sexe à la naissance. Le terme de « genre » est, en outre, banni de tout site fédéral au profit de « sexe ». Fin février, une note de service du Pentagone annonce que les personnes trans seront expulsées du service de l'armée. La mesure est suspendue quelques semaines plus tard par la juge fédérale Ana Reyes. En revanche, les prisonnières trans sont déplacées dans des prisons pour hommes. Seules deux d'entre elles ont pu échapper à ce sort, là encore sur l'instance d'un juge fédéral.

Ailleurs, le président argentin a annoncé fin janvier s’attaquer au « cancer de l’idéologie woke » en comptant abroger plusieurs lois contre les violences faites aux femmes et pour la protection des minorités sexuelles, tandis qu’en Hongrie, Viktor Orbán interdit la Gay Pride et entend mettre en place un amendement constitutionnel définissant une personne comme étant « soit un homme, soit une femme ». Nous en discutons avec Maud Royer, militante, présidente de l’association Toutes des femmes et autrice de l'ouvrage Le lobby transphobe, aux éditions Textuel.

Les États-Unis n’ont pas attendu le retour de Donald Trump au pouvoir pour s’attaquer aux droits des personnes trans, écrivez-vous…

Maud Royer : Oui, entre janvier et mai 2023, près de 550 projets de loi anti-trans ont été déposés. La même année, en Louisiane, trois lois LGBT-phobes ont été adoptées, affirmant l’interdiction de parler de genre et d’orientation sexuelle à l’école, d’utiliser les pronoms préférés d’un élève sans autorisation parentale. Pendant le mandat de Joe Biden, les conservateurs américains se sont attaqués aux droits de personnes trans et ont questionné leur existence même dans leur stratégie de discours. Cela s’est traduit par des propositions de loi et leur adoption dans quelques États conservateurs qui ont fait fortement reculer les droits des personnes trans, en particulier des mineurs trans. 

En avril 2024, l’interdiction des soins pour les mineurs trans était en vigueur dans 21 États. Dans cinq d’entre eux – tous républicains – ces soins ont été criminalisés. Une partie de l’entourage des mineurs – parents, professeurs, etc. – a été criminalisée, tandis que le droit des femmes à disposer de leur corps a été attaqué, notamment avec la fin de l’arrêt Roe vs Wade par la Cour suprême. Aujourd’hui, Trump a déjà publié un certain nombre de décrets interdisant notamment aux personnes trans qui ont la mention X sur leur passeport de le renouveler. Dans certains États, cette mesure ne détonne pas ; elle est l’application au niveau fédéral d’une politique déjà menée chez eux. 

Que ce soit chez Viktor Orbán, Javier Milei ou Donald Trump, la transphobie est-elle une histoire d’opportunisme politique ?

M. R. : Cela joue un rôle, mais c’est d’abord une question de défense du patriarcat ni plus ni moins. Ces politiques se font élire sur un agenda raciste, mais aussi de défense des privilèges masculins et de la domination des femmes dans la société. Et pour eux, la transidentité est considérée comme un danger. Les conservateurs américains ont bien compris que la question des droits des femmes et des personnes trans revient à la même chose : le droit à l’autodétermination et à disposer de son corps. En demandant à rétablir les frontières des catégories de genre, ils défendent l’idée que chacun reste bien à sa place. L’existence même de la transidentité remet en question les catégories de genre et la domination des hommes sur les femmes.

Qu’en est-il en France ? 

M. R. : En France, il existe un tissu associatif féministe et LGBT qui est un des lieux de résistance à l’extrême droite. En dépit d’un paysage politique qui penche très à droite, les droits des femmes et des personnes LGBT continuent de progresser dans le pays. L’ouverture de la PMA pour toutes les femmes est assez récente (2021). La constitutionnalisation de l’IVG, c’est encore tout frais. Mais en mai 2024, le Sénat a adopté une proposition de loi interdisant l’accès aux soins aux mineurs trans, notamment les traitements hormonaux, et imposant un contrôle strict des prescriptions de « bloqueurs de puberté ». Pour la droite, c’est une victoire symbolique. Vont-ils prendre le risque de la passer à l’Assemblée nationale, sachant que la gauche a condamné ce texte ? (Le gouvernement a aussi fait part de sa désapprobation, ndlr).

En France, je crois – et j'espère – que la défense des droits trans a pris pied durablement dans le féminisme et à gauche. La gauche française ne tient pas de discours transphobe audible comme ça a pu être le cas au sein du Labour britannique. C’est une victoire : la question des droits des personnes trans est placée au même rang que d’autres droits sur un axe politique progressiste. En revanche, elle est à la merci du contexte politique plus large. 

Quelles luttes sont encore menées ? 

M. R. : La question du changement d’état civil est centrale, avec comme première étape, l’autodétermination du changement d’état civil, et comme deuxième étape, la suppression de la mention du sexe à l’état civil et sur les cartes d’identité. De ce qu’on constate aujourd’hui, y compris pour les personnes non-binaires, le X sur les papiers d’identité n’est pas une solution, d’autant plus à la lumière de ce qui se passe aux États-Unis, et dans un contexte où le fascisme est en permanence à nos portes. Ce n’est jamais une bonne idée de donner à l’État les moyens de classifier davantage les gens et de les mettre dans des cases qui peuvent être invalidées à la faveur d’un changement politique. Cette lutte ne se joue pas nécessairement sur le champ de la loi. Faisons en sorte qu’une multiplicité d’identités s’épanouisse dans la société, le monde du travail, dans tous les lieux de vie, de sorte qu’à un moment, elles deviennent acceptables et ne subissent plus les violences. Que nos identités ne soient pas dépendantes d’un tampon de l'État sur des papiers. 

À LIRE : Maud Royer, Le lobby transphobe aux éditions Textuel, octobre 2024

Discutez en temps réel, anonymement et en privé, avec une autre personne inspirée par cet article.

Viens on en parle !
le livre des tendances 2026
commentaires

Participer à la conversation

  1. Avatar Anonyme dit :

    On ne voit pas très bien le rapport entre l'IVG et les bloqueurs de puberté chez les mineurs…

  2. Avatar Marc dit :

    Je vais faire concis.
    1- Chacun doit pouvoir s'exprimer librement
    2- chacun vie sa vie comme il veut
    3- tout ça tant que ça empiète pas sur la vie des autres et leurs libertés

    on est un Homme ou une Femme. C'est une vérité universelle incontestable. L'orientation sexuelle c'est personnelle ça regarde personne. Si on ce sent différent ok, mais c'est pas pour ça qu'on va inventer un autre sexe. Dans ce cas si demain une personne ce sent a-nationalité, un citoyen du monde qui ne veut être ni français ni rien.. On va faire quoi ? Lui faire un passeport sans nationalité parce qu'il faut pas rentre triste une personne qui veut autre chose ? Non faut arrêter le délire un peu. Vous faites monter l’extrême droite car hormis une minorité personne ne cautionne cette façon de penser. Mais ceux qui pensent comme ça sont ceux qui parlent le plus fort et à l'ère des réseaux sociaux ça raisonne.

    Hier au cinéma j'ai vu une pub"savez vous reconnaître les signe d'une relation toxique". On voit un homme sur une rambarde faire genre qu'il va tomber pour effrayer sa compagne et jouer. et on a écrit en gros "MANIPULATION". non ... Connerie plutôt. Pour la premiere fois j'ai vu une salle de cinéma hué une pub lol, homme et femme compris tous le monde était choqué devant la stupidité de cette pub et MDR.

    Si je n'aime pas voir deux hommes s'embrasser c'est mon droit, personne ne peut m'obliger a voir ça. DOnc aucune envie de voir ça dans un film ou une série tv. Que deux hommes s'embrassent ne me gênent pas, c'st leur vie, leur relation aucun soucis. Mais j'ai le droit de ne pas aimer voir ça.

    Arrêtez de vouloir imposer votre vision du monde ça évitera qu'un jour l'écrasante majorité se lasse et prennent des décisions radicales en votant pour des parties qui surfent là dessus pour se faire une place.

    Si l’extrême droite monte vous en serez en parti responsable.

    Je ne suis ni ne droite, ni de gauche, encore moins extreme droite, je suis agnostique, mon meilleur ami est gay et j'ai déjà eu une relation avec une trans, ma compagne est noire camerounaise. Je sais qu'il est facile de toute de suite sauter sur ceux qui contredise cette doctrine ridicule. Et qu'il faudrait que je sois noir et trans pour éviter les remarques d'homophobie ou transphobie ou racisme. C'est si facile de mettre des étiquettes quand on ne sait pas argumenter.

Laisser un commentaire