
On n’est jamais mieux servi que par soi-même, paraît-il. Alors pourquoi ne pas créer son dildo ? Avec un peu d’argile et d’imagination, le plaisir est à portée de main.
De toutes les couleurs, formes, textures, chauffants, vibrants... L’industrie du sextoy décline le plaisir en milliers de modèles. Mais s’il existe autant de façons de prendre du plaisir qu’il existe de corps, une armée de gadgets standardisés peut-elle satisfaire toutes les sensibilités ?
Charlotte Le Floch et Lilas Rozé cherchent à créer des espaces où l’on prend le temps de questionner ses envies. Céramistes spécialisées dans le funéraire, elles accompagnent habituellement la confection d’objets en terre cuite dédiés à des proches disparu·es, mais dans le cadre du festival rennais La Gouinerie, elles ont choisi d’explorer un autre sujet « socialement tabou » : le plaisir intime. « L’idée est de se réapproprier les objets de son intimité, se demander : « De quoi est-ce que, moi, j’ai vraiment besoin ? », explique Charlotte. Ça peut être quelque chose pour toucher son corps, toucher l’autre, se masser... ou même un objet symbolique. » La céramique permet cette exploration, car avant d’être cuite et émaillée (vernie), on a entre les mains un simple morceau d’argile modulable à l’infini.
Ralentir et repenser sa sexualité
À l’heure des révolutions féministes et sexuelles, le questionnement autour du désir résonne. Assigné fille à la naissance et socialisé en tant que telle, pour Aristide, la question de ce qu’il désirait vraiment ne s’est pas souvent posée dans une société majoritairement centrée autour du plaisir masculin. Si certaines réalisent qu’elles ne se sont jamais demandé si leurs sextoys étaient adaptés à leur corps, pour d’autres, le sujet s’est imposé de lui-même. Atteinte de vaginisme, Nawal n’achète pas de gode. Des gammes spécialement conçues pour ça existent pourtant, mais elle ne s’y retrouve pas. Le marché florissant des jouets sexuels nourrit même son anxiété : « Tout le monde a l’air d’y arriver, pourquoi pas moi ? » Confectionnant son premier dildo de la taille d’un doigt, relié à une bague qu’elle peut prendre en main, lui donnant une sensation de contrôle, elle sourit : « J’en trouverai pas un comme ça dans un sex-shop ! »
Ce qui parle à la jeune femme dans cette démarche, c’est aussi la réflexion autour du rythme. À l’inverse du célèbre aspirateur de clitoris ou du Rabbit vibrant à deux têtes, ici « c’est pas : tu l’allumes et c’est parti ! » L’objet en céramique est froid par nature, la terre se réchauffe progressivement au contact du corps. « Cela peut créer un autre rituel dans la sensualité, et inviter à prendre plus le temps », développe Charlotte.
À quand des ateliers de fabrication de dildos dans nos villes ?
Si le DIY connaît un nouvel élan ces dernières années, la fabrication artisanale de sextoys reste encore très confidentielle – quelques rares espaces de créations y sont dédiés où l’on travaille le bois ou le verre.
Pourtant, au-delà des avantages écologiques de créer des objets low-tech en matières moins polluantes, c’est une façon de les rendre plus accessibles à un public qui ne peut pas nécessairement débourser 129 € pour s’offrir le dernier Womanizer. Dans le cadre d’un atelier à prix libre comme celui-ci, les personnes les plus modestes repartent avec un objet unique pour quelques euros couvrant le prix des matières premières.
Lilas souligne aussi le côté « empouvoirant » de fabriquer soi-même son dildo : « c’est une manière de se réapproprier sa sexualité. » Il n’y a qu’à voir la diversité des œuvres fabriquées en 2h30 d’atelier. Un champignon, une queue de dragon, des fleurs… Quand on laisse l’imaginaire s’exprimer, le godemiché phallique se fait vite oublier.
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