Des personnages sortis de films produits par A24

Comment la société de production A24 crée l'évènement à chaque sortie de film ?

La maison de production que l'on trouve derrière La zone d'Intérêt, Midsommar ou The Whale est la plus en vue d'Hollywood grâce à de petits secrets.

Fut un temps, les amateurs de cinéma évoquaient les œuvres en citant leurs réalisateurs, une actrice célèbre ou un acteur bankable. Mais depuis quelques années, une société de production a réussi à imposer son nom et son logo comme une véritable marque de fabrique artistique : il s'agit de la maison A24.

Des films pas comme les autres

Si vous n'avez jamais regardé un film produit par A24, vous en avez forcément déjà entendu parler. Depuis 2013, la société s'est fait connaître en distribuant, puis en produisant des films indépendants dont la particularité est de se trouver à l'opposé du spectre stylistique ou narratif du genre qu'il aborde. Vous voulez un film sur des femmes gangsters ? Spring Breakers vous offre une subversion d'actrices made in Disney, éclairée aux néons. Vous aimez frissonner ? A24 lance la carrière d'Ari Aster, le réalisateur de Hereditary et Midsommar, deux films qui misent tout sur l'ambiance et les personnages et moins sur les fatigants jump scares (à traduire par coups d'effroi, ce principe qui recourt à un changement brutal intégré dans une image, une vidéo ou une application pour effrayer brutalement le spectateur ou utilisateur). Vous en avez ras-le-bol des mondes parallèles creux du Marvel Cinematic Universe ? Everything Everywhere All At Once vous propose une fable métaphysique sur notre manière d'appréhender l'infini (et Internet) avec un budget rikiki et des scènes d'action à couper le souffle. Même la Shoah – sujet toujours extrêmement compliqué à mettre en scène au cinéma – est traitée avec un pas de côté dans La Zone d'Intérêt de Jonathan Glazer. Les horreurs de l'extermination ne sont jamais directement montrées, mais fortement suggérées par le son tandis que l'image s'attarde sur le quotidien de la famille du commandant Rudolf Höss qui habite juste à côté d'un camp de concentration.

Tout est dans le style

Faire des propositions cinématographiques différentes, c'est une chose. Mais est-ce suffisant pour attirer du monde en salle ? En fait, A24 renouvelle aussi les manières en matière de promotion de ses films. À l'inverse des machines de guerre Marvel ou Disney qui vont inonder l'espace public de publicité, la société de production a compris que tout peut se jouer sur les réseaux. Pour la promotion d'Ex Machina, un film sur un androïde qui tente de séduire son créateur pour lui échapper, le profil du personnage a été mis en ligne sur Tinder pour matcher avec des inconnus. Toujours dans le même film, la scène de danse avec Oscar Isaac et Sonoya Mizuno a été transformée en mème viral. Lors de la sortie de The Witch, tous les personnages ont eu droit à leur compte Twitter, même la chèvre satanique parlante..., tandis que pour le film Hereditary, des poupées flippantes ont été envoyées à des journalistes et des influenceurs spécialisés dans le cinéma d'horreur.

La marque n'oublie pas non plus d'imposer un style et une esthétique cohérente à l'ensemble de ses productions. Le trope visuel le plus connu, c'est l'utilisation de néons et d'éclairages contrastés et hyperstylisés. On peut aussi reconnaître facilement la patte d'A24 avec la mise en scène très subjective du monde intérieur des personnages. Dans la série Euphoria, petit bijou de la maison de production, les émotions des adolescents sont « montrées » à l'écran avec des artifices visuels comme une pièce qui tourne sur elle-même ou des feux d’artifice tirés en arrière-plan.

A24 sait que sa marque est puissante dans le cœur des cinéphiles. Pour assurer une meilleure visibilité, elle va même jusqu'à produire son propre merchandising avec des casquettes ou des hoodies estampillés du fameux logo, des t-shirts en édition limitée aux designs signés par des artistes en vue, ou des objets de collections issus de ses films. À la manière d'un culte qui donne l'impression à ses fidèles de faire partis des élus, A24 permet à ses fans de s'identifier à ses films et de se sentir différents. Dans un monde où les productions cinématographiques sont réduites à être des « contenus » qui alimentent des « plateformes », la société a bien compris là où il fallait appuyer pour assurer son succès.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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