Une jeune femme qui a peur dans la forêt

Éco-anxiété : quand le changement climatique nous envoie chez le psy

© Maia Habegger via Unsplash

On croyait que le mal de notre époque était le burn-out. Raté ! Face au désastre climatique qui nous guette, nous sommes de plus en plus nombreux à développer des sentiments d'angoisse. Ça s’appelle l’éco-anxiété. Et ça pourrait bien nous tuer avant la montée des eaux.

« Quand je dis famine, destruction, migration, maladie, guerre, je parle d’événements qui arriveront durant votre vie. Vous allez dépendre de vos voisins pour vous nourrir et vous réchauffer. Vous allez être mal-nourris. Vous ne saurez pas si vous devrez partir ou rester. Vous allez avoir peur d’être tué brutalement avant de mourir de faim. » Jem Bendell, professeur à l’Université de Cumbria, ne mâche pas ses mots. Et qu’importe si son rapport, intitulé « Deep Adaptation : A Map for Navigating Climate Tragedy », sur la tragédie climatique que nous vivons met mal à l’aise ou angoisse.

De toute façon, à l’exception des professionnels du secteur, une poignée d’étudiants et deux ou trois journalistes, les papiers académiques ne sont pas lus par le grand public. En moyenne, un papier universitaire n’est lu que par 3 personnes. Celui de Jem Bendell fait exception à la règle - il a été téléchargé 110 000 fois depuis sa publication en juillet 2018.

Le papier est devenu un véritable phénomène, lu et partagé à travers le monde. La viralité de l’étude n’a pas fait du bien à tout le monde. Après la lecture, en proie à l’anxiété, certains ont dû filer chez le psy pour discuter des conclusions terribles – et exprimées dans des termes crus et sans détours – de Jem Bendell. En substance, on détruit la Terre donc on va tous crever.

Sur son blog, Jim Bendell a même mis en ligne une liste de sources pour obtenir du soutien psychologique après lecture de son papier. Ce sentiment d’angoisse et d’être complètement dépassé par la situation écologique de la planète porte un nom : l'éco-anxiété.

On va tous crever et c’est angoissant

Entre la montée des eaux, l’acidification des océans, la hausse des températures, la disparition des animaux… le tableau écologique est loin d’être réjouissant. L’Association Psychanalytique Internationale a même reconnu le changement climatique comme « la plus grande menace de santé publique du 21e siècle. »

Il ne s’agit donc pas seulement de la pollution que nous respirons, des substances chimiques douteuses que nous ingérons, des produits aux compositions crados que l’on met sur notre peau. Non, cette fois-ci, il s’agit aussi de notre santé mentale. Les symptômes de l'éco-anxiété sont multiples : crise de panique, perte d’appétit, irritabilité, obsessions, insomnie. Des scientifiques ont même mis en évidence des liens entre augmentation des suicides et hausse des températures. Aux États-Unis, une augmentation moyenne de 1°C sur un mois représente une hausse de 0,7% du taux de suicide. Ça n’a l’air de rien mais à la vitesse où les températures augmentent, les auteurs de l’étude prévoient 21 000 suicides de plus aux États-Unis et au Mexique d’ici 2050.

« J’ai remarqué une forte augmentation de patients qui ont besoin de parler d’éco-anxiété depuis le rapport du GIEC. En majorité, ils ont besoin d’en discuter avec un thérapeute qui a des connaissances sur le sujet. Je pense que c’est un poids énorme de vivre avec la conviction que "on est complètement foutus ! ". Je suspecte d’ailleurs que l’éco-anxiété a une part de responsabilité dans les épidémies de binge-drinking et les autres addictions. » explique l’éco-psychologue britannique Mary Jayne Rust à la BBC.

Alors, docteur, c'est foutu ?

Pour survivre à l’inévitable fin du monde, les ultra-riches ont déjà construit leurs super bunkers. Et pour les autres ? Les autres doivent donc faire avec leurs angoisses et les gouvernements qui rechignent à faire les efforts nécessaires. La double peine, quoi. Mais l’éco-anxiété n’est pas forcément qu’une mauvaise nouvelle. Pour certains, loin d’être une peur paralysante, elle peut être une solution. Ce dont les Hommes ont besoin pour enfin se mettre à préserver la planète.

Selon Owen Gaffney, co-auteur d’un rapport sur la marche à suivre pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris dès 2030,  « l’éco-anxiété est la réponse adaptée à la taille du défi. » S’engager pour la planète peut même être un moyen de combattre l’éco-anxiété. « Les gens qui agissent ont un sentiment de contrôle et le fait d’agir avec d’autres permet d’alléger le fardeau émotionnel, » explique Elise Amel, professeur de psychologie à l’Université de St Thomas qui s’intéresse à l’éco-psychologie.

« Nous vivons à une époque où les individus ont plus de pouvoir qu’ils n’en ont jamais eu. Regardez votre sphère d’influence – employeur, réseau, famille – et influencez-la. On n’a pas besoin de convaincre 100% des gens. Seulement 25% suffisent pour qu’une idée passe de la catégorie marginale à communément admise, » ajoute l’optimiste Owen Gaffney.

Au Forum de Davos, l'activiste Greta Thunberg a d'ailleurs déclaré « Je veux que vous paniquiez ». L'angoisse d'une tragédie écologique c'est déjà ce qui a poussé les lycéens à suivre son exemple et sécher les cours le vendredi. Alors, on panique et cette fois, on s'y met vraiment pour changer le monde ?  


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