Il n'y a pas que Dubaï dans la vie. Sur les réseaux, une génération d'influenceurs de banlieue émerge. Et ils nous parlent d'un autre monde, plus proche du nôtre.
Alors que certaines font étalage d'une vie de luxe et de piscines à débordement, d'autres partagent avec leurs abonnés une vie plus modeste, entre courses chez Lidl et sorties au centre commercial du coin. À l'antithèse de la figure sublimée et ultra-polie de la Parisienne (Jeanne Damas et consœurs), les influenceuses périurbaines nous embarquent dans leur quotidien, entre décoration de la chambre chez Gifi et routine beauté à base de produits Action.
Qui sont les influenceuses périurbaines ?
Bienvenue dans un monde (très) loin du Met Gala et des collaborations Laura Mercier. De l'autre côté du périph, les influenceuses Paula Latina, Joli Shopping ou encore Family Forever nous emmènent en virée chez Lidl ou chez E.Leclerc pour profiter d'alléchantes promotions. Au programme : session shopping au rayon femme collection été 2022 de chez Carrefour (la fameuse marque Tex), haul produits de beauté Action, comparatif des prix de Lidl et E.Lecler, ou présentation des meilleures idées déco à débusquer chez Gifi.
Les codes sont les mêmes que chez les influenceuses traditionnelles : on s'excuse pour la mauvaise qualité de la lumière, le retard de publication des vidéos et la perte du ticket de caisse. Sauf qu'on lieu d'exhiber son dernier sac vintage Hermès chopé sur Videdressing, on passe en revue ses bons plans et astuces conso du moment, comme le dentifrice au charbon de la marque Émail Diamant (vendu 1,74 au lieu de 3,49 euros chez E.Lecler) ou les petites robes courtes en jersey vendues 9 euros et quelques chez Carrefour.
On est loin des communautés qui aspirent à répliquer le mode de vie d'EnjoyPheonix ou Léna Situations, et cela se voit dans les commentaires sous les vidéos. Ici, il est question de pouvoir d'achat et de fins de mois difficiles : « J'ai juste acheté des gels douche, parce que c'était "un acheté, un gratuit" », ou encore « mon Leclerc est un peu loin donc il faut cumuler au prix du gazole »... À l'heure où l'inflation strangule les ménages et où il reste moins de 100 euros à la moitié des Français et Françaises le 10 de chaque mois, ce type de contenu trouve évidemment son public.
La banlieue américaine aussi se raconte sur TikTok
Les influenceuses périurbaines françaises ne sont pas les seules à évoquer les difficultés propres aux banlieues. Aux États-Unis, ce sont les jeunes qui en parlent le plus. Et ils haussent le ton. Ce qui attise leur colère : l'aménagement des espaces urbains étouffés par les embouteillages, le béton et l'architecture surplombante et monotone qui dénature la ville. Moins populaires que les tutos maquillage et les défis viraux, ces vidéos TikTok pédagogues et parfois militantes dénoncent l'impossibilité de se déplacer dans les villes américaines à pied ou à vélo et le manque de transports en commun.
C'est ce que signale @alanthefisher (22 000 abonnés) dans un montage humoristique où il superpose le célèbre échangeur autoroutier californien où s'accumulent les voitures à une myriade de trains proprets. À ce jour, la vidéo cumule plus d'un demi-million de vue.
Alan n'est pas seul sur le coup. Louisa Whitmore, qui à 17 ans se décrit comme « une ado passionnée d'architecture », a cumulé plus de 13 millions de likes sur son compte @louisatalksbuildings où elle analyse la teneur oppressive des plus grands gratte-ciel new-yorkais. Dans la même lignée, Jonathon Stalls, 39 ans, utilise sa plateforme @pedestriandignity pour partager ses retours sur l'urbanisme après avoir passé des mois à se déplacer à pied. Et bref, ils ne sont pas en manque de solutions qui pourraient intéresser des deux côtés du périphérique.
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