Dans les villes, dans nos têtes, dans nos assiettes : l’envie de se reconnecter au vivant se lit partout. Enjeu environnemental, mais aussi de bien-être, elle nous force aujourd’hui à repenser nos espaces de travail en les connectant davantage à la nature.
S’adonner à la biophilie, à « l’amour du vivant » au bureau, c'est la tendance qui prend peu à peu racine dans le monde de l’entreprise. Que l’on se rassure, pas question ici de jouer à Tarzan et Jane de flex office en flex office. La biophilie, explique Cyrille Schwartz, c’est retrouver « ce lien inné » qui nous connecte à la nature et qui nous fait tant de bien. L’entrepreneur, qui a fondé deux start-up spécialisées en aquaponie et en jardins d’entreprises, ne jure que par cette thèse, popularisée en 1984 par le biologiste Edward O. Wilson. Il en est convaincu, « la nature ne doit pas être un accessoire, mais un point de départ lorsque l’on pense nos lieux de vie et de travail. »
On ne parle pas non plus ici de nos plantes de bureau qui dépérissent au bout deux mois : tout cela implique de repenser nos espaces de façon holistique. C’est ce que l’on appelle le design biophilique. Parcours et fresques végétalisés, jardins et potagers collaboratifs, lumière et espaces de méditation naturels, symboles et couleurs faisant écho à la nature… En entreprise, réintégrer le vivant de manière physique et symbolique devient une question d’engagement des salariés, mais surtout de bien-être. Et autant dire qu’en France, ça urge.
Des effets prouvés sur l’épanouissement au travail
En 2018, une étude de l’Institut Gallup estimait que les salariés français étaient parmi les plus désengagés d’Europe. Alors que seulement 6 % d’entre eux s’affirment épanouis et enthousiastes, 1 Français sur 5 s’estime découragé et malheureux au travail. « Jusque dans les années 90, les espaces de travail étaient considérés comme des lieux fonctionnels. On y produisait des biens et des services, rappelle Cyrille Schwartz. Aujourd’hui la raison d’être de l’entreprise s’élargit. Elle est un lieu de travail, mais aussi un lieu de vie, de partage, de formation, d’échanges. La conception d’un lieu doit épouser ces évolutions. »
Dans ce contexte, la nature aurait alors plusieurs cartes à jouer. Explorant les liens entre bien-être psychologique, environnement de travail et attentes des salariés, une étude internationale démontrait en 2015 les bienfaits de la nature sur le moral des troupes. On y apprenait que les personnes ayant travaillé au contact d’éléments naturels avaient vu leur bien-être augmenter de 15 %, leur productivité de 6 % et leur créativité de 15 %. Et rien de mieux qu’un cas pratique pour en avoir le cœur net. En 2004, l’entreprise américaine Genzyme Corporation repensait entièrement son siège social en y intégrant notamment de la lumière naturelle, des cloisons transparentes, des jardins d’intérieur ainsi qu’un atrium dont les lustres réfléchissent la lumière du soleil. 18 mois après l’inauguration de la nouvelle structure, 88 % des salariés ont affirmé voir leur bien-être augmenter significativement et 75 % ont déclaré que la conception du bâtiment augmentait leur sentiment de connexion avec leurs collègues.
Vous n’êtes toujours pas convaincu ? Le fait de végétaliser les locaux pourrait pourtant devenir un enjeu de marque employeur. Selon une enquête menée en 2016 par la Chaire Immobilier et Développement Durable de l’ESSEC, 83 % des étudiants sondés accordent de l’importance à la présence du végétal dans leurs bureaux et 60 % à la présence d’espaces verts individuels à entretenir. Autant dire que vos futurs salariés, eux, sont déjà convertis.
Designer comme la nature
Mais concrètement, comment « biophiliser » son bureau ? Pour Cyrille Schwartz, il n’y a pas de recette type et chaque entreprise a des attentes différentes en matière de reconnexion à la nature. L’entrepreneur distingue trois piliers indispensables à la mise en place d’un environnement biophilique.
Il évoque d’abord une dimension physique fondamentale, à savoir l’intégration de végétaux, d’animaux, d’eau, de lumière au sein des espaces de travail. Vient ensuite une dimension plus analogique, qui fait simplement écho au vivant avec des matières, des formes, des couleurs. « Cela peut être le papier peint de votre salle de réunion qui vous emmène dans la forêt amazonienne », détaille ce dernier. Plus subtil, l’aspect sensoriel et mystérieux de la nature doit aussi pouvoir se vivre à certains endroits. « Lorsque vous vous promenez en forêt, votre regard, vos sens sont constamment sollicités. Dans un jardin d’entreprise, on retrouve cette nature fantasmée, rêvée, on doit pouvoir recréer ces espaces où on se laisser aller. » Toits-potagers, murs végétaux, jardins comestibles, barrières végétales réduisant le bruit ou absorbant la pollution… « une large palette de choix existe, précise Cyrille Schwartz. Mais attention, du hall d’accueil jusque dans les couloirs, il faut créer un vrai parcours avec des interactions. Une simple plante verte sur un bureau ne sert à rien. »
En ligne, un document publié par la société Terrapin Bright Green évoque une quinzaine de concepts de façon plus détaillée comme l’exposition à des sons naturels, la présence de motifs biomorphiques (de forme végétale, animale ou humaine, ndlr) et de refuges pour se reposer. On y trouve aussi la notion « d’ordre et de complexité » fréquemment rencontrée dans la nature. Pensez par exemple aux alvéoles d’une ruche ou aux spirales hypnotisantes d’un chou romanesco (que vous pourriez, pourquoi pas, cultiver un jour dans un jardin partagé).
Jardinage et team-building
« Se reconnecter à la nature n’est pas un truc de bobo du 11ème, précise Hugo Meunier, à la tête du réseau collaboratif de jardiniers Merci Raymond. Quand des entreprises viennent nous voir, c’est d’ailleurs souvent sur l’impulsion de leurs salariés. » Depuis 2015, il travaille à la revégétalisation des villes et intervient aussi en entreprise pour donner aux équipes le goût du jardinage. « L’idée, c’est de faire de la co-construction et de les impliquer au maximum, de créer des espaces et de planter des choses ensemble. Bien sûr, c’est ambitieux de les laisser s’en occuper tout seul, alors nous repassons régulièrement et repérons des ambassadeurs capables d’animer la communauté. »
Lorsqu’il installe jardins et baromates (petits aquariums aquaponiques permettant de cultiver des plantes à l’aide de déjections de poissons, ndlr) chez ses clients, Cyrille Schwartz constate la même chose. « La meilleure démarche, c’est la co-construction. Il faut donner du sens et rassembler les salariés dès le début autour d’un projet pour qu’il soit pérenne. Pour ça, il faut leur donner rendez-vous régulièrement. »
Il faut savoir différencier les démonstrations de com’ des initiatives sincères, mais force est de constater que les entreprises peuvent agir concrètement à leur échelle. « Les salariés peuvent faire quelque chose de leurs mains, se construire un cadre de travail plus épanouissant et repartir avec des paniers de légumes, poursuit Cyrille Schwartz. Quant aux entreprises, elles répondent à un vrai souci de biodiversité urbaine (plantes, insectes, pollinisateurs…) en agissant sur leur territoire. »
Bel article, avec un titre percutant. J'avais écrit un article dans mon profil linkendin il y a 2 ans portant quasi le même titre;m^me s'il s'agissait des balades en forêt sylvothérapeutiques. https://www.linkedin.com/pulse/larbre-une-mode-pour-bobos-ou-th%C3%A9rapie-non-%C3%A0-port%C3%A9e-de-philippe-walch/?lipi=urn%3Ali%3Apage%3Ad_flagship3_profile_view_base_post_details%3BF73s%2Fn2CRVi9%2Fob%2FJy8TYw%3D%3D