Amazon a une section « écrit par ChatGPT » et une revue de science-fiction se retrouve submergée par les propositions de nouvelles pondues par le chatbot.
Le magazine américain Clarkesworld n’accepte plus de nouvelles propositions d’histoires. Cette publication de science-fiction reconnue n’a pas eu le choix. Elle s’est retrouvée inondée de pitchs écrits ou révisés par une intelligence artificielle. Plus de 500 auteurs ont été rejetés en février par l’équipe de rédaction principalement pour cette raison, explique Neil Clarke, fondateur du journal qui consacre un long article de blog à cette « tendance inquiétante ». La raison ? Le lancement fin novembre de ChatGPT, le chatbot capable de pondre du texte sur demande.
Normalement, le magazine rejette environ 10 propositions par mois. Jusqu'à fin 2022, la cause habituelle de ces rejets était le plagiat : un auteur reprenait une nouvelle connue en l’adaptant à sa sauce. Puis les robots générateurs de texte sont apparus et on fait exploser les chiffres.
Neil Clarke est parvenu à écarter les textes générés par IA en identifiant certaines tournures récurrentes. Il ne donne pas plus de détails, craignant que cela serve à ces écrivains artificiels de trouver le moyen de passer inaperçu.
Merci aux « hustle bros »
Le problème, souligne-t-il, c’est que les outils mis à disposition pour filtrer ce type de contenus ne sont pas très efficaces et ils coûtent cher. « Je pense qu'aucun des acteurs du marché de la fiction courte puisse actuellement se permettre cette dépense ».
Les textes générés par IA seraient proposés par des personnes loin du petit monde de la science-fiction, pointe-t-il, encouragé par des influenceurs vantant les mérites de ChatGPT pour gagner de l’argent rapidement par toutes sortes de moyens. Sur YouTube ou encore Twitter, une flopée d’influenceurs/entrepreneurs parfois appelés « hustle bros » (hustle signifie travailler dur) refourguent des conseils plus ou moins avisés pour gagner de l’argent facilement grâce à ChatGPT et autres IA génératives. Il y a quelques mois, ces mêmes personnes vous assuraient la richesse immédiate avec les cryptos. On sait où cela nous a menés.
Une barrière de plus pour les jeunes auteurs
En suspendant la possibilité de soumettre un texte, Clarkesworld a conscience de passer potentiellement à côté de jeunes auteurs prometteurs. Ces derniers vont devoir faire face à des barrières de plus en plus strictes pour pouvoir publier. Et c’est tout le problème.
Ce magazine de science-fiction n'est pas le seul à vivre cette situation. Dans son article de blog, Neil Clarke dit avoir eu des retours similaires d’autres acteurs de l’édition. Cela touche particulièrement les maisons dont les soumissions sont ouvertes, et surtout, celles qui rémunèrent bien les auteurs, explique-t-il.
« Écrit par ChatGPT » : un nouveau genre littéraire
Sur Amazon, la tendance de la littérature « générée par IA » a même été banalisée. La boutique Kindle accueille désormais une catégorie de livres « entièrement écrits par ChatGPT », comme s’il s’agissait d’un nouveau genre. 200 livres comptent ChatGPT comme auteur ou coauteur, estime Reuters. Sans compter les auteurs qui l’utilisent sans le déclarer. Parmi ces ouvrages, on trouve moult guides pour mieux écrire avec ChatGPT, mais aussi des recueils de poésies, manuels de marketing, guides de développement personnel, histoires pour enfants… Généralement ces livres ont été autopubliés grâce à la branche Amazon’s Kindle Direct Publishing, la plateforme d'autoédition de livres électroniques et physiques d'Amazon, précise Reuters.
Comme dans le cas de Clarkesworld, nous pouvons remercier les hustles bros pour l'arrivée de cette néolittérature. Sur YouTube, on trouve en effet pléthore de tutos pour écrire un livre en une journée afin d’obtenir un revenu rapide. Les livres pour enfants dont les illustrations peuvent être, elles aussi, générées par IA (via Midjourney ou Stable Diffusion) ont particulièrement la cote.
Reste à savoir qui achètera ces livres. Mark Dawson, un auteur à succès, habitué au système d’autopublication d’Amazon, explique à Reuters ne pas craindre particulièrement ChatGPT après avoir lu ses nouvelles. Et il compte sur les algorithmes de recommandation pour faire leur travail de tri. « Si un livre reçoit de mauvaises critiques parce que l'écriture est ennuyeuse, il va rapidement sombrer ». Enfin… Sauf si d’autres bots se mettent à noter positivement les livres de leurs collègues – hypothèse moins absurde que ce qu'on pourrait croire.
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