Dans l'univers du sport français, la place de la musique tend à être négligée. Pourtant, elle permet d'améliorer la qualité de l'expérience et améliorer l'image de marque d'un événement... Une tribune de Yassinn Diouri, Director Project & New Business à Sixième Son.
Depuis quelques années dans le monde du sport, plusieurs acteurs se sont saisis de l’enjeu musical pour améliorer leur image de marque et leur communication, décupler les émotions et participer à la qualité de l’expérience lors des évènements sportifs, pour infine, attirer et fidéliser plus de spectateurs.
Pourtant, la France accuse un retard certain en la matière, le choix d’une musique restant dans la plupart des cas, une simple illustration répondant à un besoin ponctuel et non à une stratégie identitaire.
Analyse et regard sur un formidable exhausteur d’émotion encore peu - ou mal - exploité.
Le football : illustration d'un manque de créativité et d'identité
Dans les stades, les supporters de ligue 1 sont les premiers lésés en matière de musique. SoFoot, référence du bon goût footballistique listait dans un article les 10 pires musiques d’entrée des joueurs dans les stades. (Jump de Van Halen, The Final Countdown du groupe Europe, ou encore le U2 avec son titre Where the Streets Have No Name...)
Il y a, en effet, de quoi grincer des dents tant ces choix « clichés » sont en opposition avec les histoires et l’ancrage territorial des clubs ainsi qu’avec l’attachement des supporters à des valeurs. C’est d’autant plus frustrant que les clubs ont une longévité qui leur permettrait d’installer une identité dans la durée.
Au même titre que les couleurs d’un maillot, un écusson du club, ou les noms des kops mythiques de supporteurs, la musique devrait être un lien puissant pour décupler l’émotion et le spectacle dans les stades et aider les clubs professionnels en amont pour attirer les spectateurs au stade. Mieux, elle pourrait être un levier formidable pour prolonger l’expérience de marque dans leurs espaces physiques (boutiques officielles...) ou booster l’engagement des fans dans leur communication digitale.
Or, aujourd’hui rares sont les initiatives cohérentes et les choix audacieux : on se saisit du dernier tube à la mode qui sera utilisé quelques mois dans tous les stades, par tous les sports, et dans tous les évènements de team building en entreprise.
Le résultat est sans appel : mise à part les chants des supporters et le générique du CFC, le parcours sonore est bien pauvre dans l’expérience d’un fan de football.
Penser la musique comme un outil émotionnel pour créer de la préférence
Il faut reconnaître une belle évolution lorsque des acteurs incontournables comme la Fédération Française de Tennis pour le tournoi Roland Garros, ASO pour le Tour de France où plus récemment la Ligue Nationale de Rugby ont saisi l’enjeu capital de penser la musique comme un réel outil émotionnel. Mais la France reste à la traine dans ce domaine... Quand on songe à la NBA, la NHL ou encore à la Ligue Nationale de Baseball Japonaise qui ont créé, depuis plus de 30 ans, de véritables références sonores, nous devons nous questionner sur les raisons de ce retard.
La musique est souvent utilisée comme un simple outil fonctionnel et non émotionnel : on sélectionne une première musique pour un besoin média, une autre pour la remise d’un trophée. Pour une playlist dans le stade, on fait appel à une maison de disques qui place ses artistes et revend exactement la même sélection à un acteur de la grande distribution ou un constructeur automobile.
Ensuite, avec la multiplication des canaux de diffusion, la seconde erreur est de penser qu'il faut davantage de musique et de son pour satisfaire un public toujours plus exigeant. C'est une fausse idée qui conduit à la dilution de son identité, de sa spécificité, de ce qui crée l'attachement et qui conduit le public jusqu'au stade.
Il faut bien au contraire un univers musical précis et défini en accord avec les valeurs et le positionnement de la marque pour émerger et créer de la préférence.
La nécessité d'une pré-analyse profonde pour favoriser l'adhésion des fans
Le dernier frein est totalement légitime. Face à des fans inconditionnels, tout changement s’avère délicat. La Ligue Nationale de Rugby en a ainsi fait les frais récemment en créant un hymne pour l’entrée des joueurs de Top 14 et de Pro D2. L’accueil des spectateurs de certains clubs a été (très) mitigé.
Ce retour d’expérience permet de rappeler qu’un univers musical ne se définit pas « en chambre » ou par une voix unique. Ainsi, un accompagnement d’expert dédié est nécessaire pour créer un processus méthodique en impliquant les parties prenantes et les ambassadeurs du sport ou du club.
Par ailleurs, ce qui est musicalement pertinent dans un sport ou dans un stade ne l’est certainement pas pour un autre. Une analyse profonde de la culture du sport, de ses codes et des cibles de la marque permet de répondre avec pertinence et cohérence aux envies des fans et ainsi de sauter le pas.
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