Portrait de Dorothée Moisan, journaliste d'investigation et autrice de l'enquête « Les Plastiqueurs »

Portrait de Dorothée Moisan
© DR

Dorothée Moisan est membre de L’ADN Le Shift, le collectif du media L'ADN, son prolongement humain.

L'ADN Le Shift est né de la volonté de vous inviter à vivre ce que nous vivons en tant que média.

 

Qui êtes-vous ? Quelques mots sur votre parcours

D.M. : Je suis journaliste, autrice et conférencière. Pendant 18 ans, j'ai travaillé à l'Agence France-Presse (AFP). J'ai été correspondante à Washington DC, Toulouse, Bruxelles ou encore Paris, et j'ai couvert des problématiques aussi différentes que les nouvelles technologies, la concurrence européenne ou encore la justice française. J'ai notamment passé cinq ans au coeur du Palais de justice de Paris, sur l'île de la Cité, où j'ai suivi de nombreux procès emblématiques (Clearstream, Scientologie, Dany Leprince...). En 2017, j'ai quitté l'AFP et repris mes études pour me spécialiser sur les questions climatiques et environnementales. Je travaille en freelance pour plusieurs médias (Le Monde, LesJours.fr, Reporterre, The Guardian...) mais j'écris surtout des livres et donne des conférences pour tenter de les transformer en impacts. Mon dernier ouvrage, paru en 2021 chez KERO et intitulé Les Plastiqueurs, était une enquête sur la pollution plastique et les mensonges de l'industrie.

 

3 dates qui ont provoqué votre déclic climatique ?

D.M. :

  • Avant même la crise climatique, je me suis "éveillée" à la crise chimique. En avril 2015, je suis tombée sur un numéro de 60 Millions de consommateurs intitulé  « Entretenir sa maison au naturel ». Ca a été un électrochoc. C'est là que moi, la journaliste pourtant surinformée, j’ai découvert, ébahie, qu’en faisant le ménage avec toutes de sortes de produits "magiques", je polluais mon foyer bien plus sûrement qu’en l’abandonnant aux poussières et aux toiles d’araignée. L’évidence est tombée toute crue : tout ne tenait qu’à une lettre. Pendant quarante ans, je m’étais laissée bercer par le marketing de l’industrie sans jamais me poser de question. Je prenais soudain conscience que je m’étais plutôt laissée berner... 
  • Le second choc a été la formation à laquelle je me suis inscrite en 2017: un master 2 sur le changement climatique. J'ai véritablement compris l'ampleur du problème. Le climat est devenue à mes yeux la mère des batailles.
  • Le troisième choc, c'est la canicule du printemps 2022 en Inde, avec ces aigles, ces vaches, ces chiens... et ces hommes tombant raides morts, comme des mouches, sous une température devenue invivable. L'emballement, déjà, et un affreux sentiment de finitude.

 

Les 3 romans, essais, bd, film, série, documentaires… qui vous ont retourné ?

D.M. :

  • Je suis devenue végétarienne il y a un an et demi. Pour la viande, j'étais déjà convaincue depuis longtemps, mais c'est le documentaire SeaSpiracy qui m'a fait passer le pas pour le poisson.
  • En livre, je conseille à tous la lecture de L'événement Anthropocène de Bonneuil et Fressoz. Il m'a fait comprendre à quel point la technologie n'était pas la solution, et surtout que la prise de conscience de la catastrophe climatique et les alertes de scientifiques ne remontaient pas au début des années 1990, mais à il y a plus de 200 ans!
  • L'empoisonnement universel, de Fabrice Nicolini, une somme exceptionnelle de connaissances, m'a quant à lui beaucoup appris sur les techniques des lobbies et sur la folie humaine à détruire sa propre maison.

 

L'engagement que vous avez réussi à tenir ?

D.M. : Le végétarisme.

 

La résolution que vous avez du mal à mettre en place (mais vous ne désespérez pas) ?

D.M. : Rendre mon foyer le plus autonome possible en énergie.

 

Vos 3 secrets pour soigner votre solastalgie ?

D.M. : -Me dire que déprimer ne sert à rien. Alors autant garder le sourire.

- Rester dans l'action et chercher à avoir un impact. A défaut de changer le monde et de réduire à soi seul les émissions mondiales de gaz à effet de serre, l'action est ma clé. Petite ou grande, elle me nourrit.

-Rencontrer des personnes positives. Telle une vampire, je me nourris de leur énergie. J'en ai même fait un livre ! En février sortira Les Ecoptimistes, un livre de portraits de quelques personnes, connues ou non, jeunes et moins jeunes, qui ont réussi à dépasser leur éco-anxiété et parviennent à garder la pêche. Depuis que je les ai rencontrés, ils me portent. J'espère que la lecture de ce livre aura le même effet enthousiasmant sur d'autres éco-anxieux.

La solution ou la personnalité qui vous a le plus inspirée…

D.M. : Question difficile! J'aurais envie de vous citer deux de mes Ecoptimistes: l'humoriste Guillaume Meurice, qui parvient remarquablement à transformer toutes ces informations angoissantes en un missile d'humour et d'impact, et la glaciologue Heïdi Sevestre, qui a plus que tous des raisons de déprimer, mais qui déploie l'énergie la plus folle pour défendre "ses" glaciers et sauvegarder notre avenir.

 

Vos raisons d'espérer ?

D.M. : On n'est pas tout seuls. On fait partie de ce que j'appelle "la communauté des gens aux yeux ouverts". Alors, certes, la vision n'est pas idyllique, mais tous ces gens qui se battent sont juste extraordinaires. Et tout comme l'autrice américaine Rebecca Solnit, j'ai envie de croire qu'on peut construire "le paradis en enfer". Certes le monde qui nous attend ne sera pas toujours drôle, mais l'entraide et la joie sont tout aussi puissantes dans l'adversité que l'esprit de compétition et d'individualisme dans lequel on a été éduqués. A nous de construire une société du lien. Alors, oui, ça peut paraître Bisounours, mais qui a dit qu'une armée de bisounours ne pouvait pas conquérir le monde?... ; -)

 

Vos projets pour ces prochaines années ?

D.M. : Je vis en Bretagne et là-bas, je travaille à créer un lieu où incarner ces valeurs. On y créera du lien, on y fera émerger des (bonnes!) idées et on y apprendra les gestes qui sauvent. J'ai beaucoup à apprendre cette année pour faire de ce lieu une réalité et j'ai hâte qu'il ouvre en 2024.

 

Si vous deviez résumer votre raison d’être ?

D.M. : Le lien. Et la joie que procure la relation à l'autre.

 

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