Portrait de Dorothée Browaeys, présidente de TEK4life
Dorothée Browaeys est membre de L’ADN Le Shift, le collectif du média L'ADN, son prolongement humain.
L'ADN Le Shift est né de la volonté de vous inviter à vivre ce que nous vivons en tant que média.
Qui êtes-vous ? Quelques mots sur votre parcours
D.B. : Je suis une "fondue du vivant", de son mystère, de sa beauté. Quand, toute petite la nuit, mon père me montrait des vers luisants, j'étais ébahie. Biologiste de formation j'ai traduit les urgences du vivant en devenant journaliste scientifique dès les années 80. Après 25 ans d'enquêtes, j'ai voulu organiser le débat public avec une association que j'ai créé, VivAgora. Pour moi, il était primordial de cerner quels sont les rouages techniques et économiques qui détruisent le vivant. J'ai écrit quantités d'articles et de livres pour alerter sur les risques sociaux de la fuite en avant du techno-marché...TEK4life aujourd'hui porte le défi de la comptabilité écologique.
3 dates qui ont provoqué votre déclic climatique ?
D.B. : Je n'ai pas eu de "déclic climatique". J'ai suivi la dégradation effarante de nos milieux de vies, en Bohème avec les pluies acides, en Inde avec la perte de maîtrise des paysans par l'imposition des OGM, en France avec la violence subie des lanceurs d'alerte, informant sur l'amiante, les dioxines, les perturbateurs endocriniens... C'est bien la prise de conscience des rapports de force (dont j'ai pris la mesure dans mon enquête Alertes Santé, publiée en 2005 chez Fayard) qui a chevillé mon engagement.
Les 3 romans, essais, bd, film, série, documentaires… qui vous ont retourné ?
D.B. : Le livre Les trois écologies de Felix Guattari publié en 1989 m'a confirmée dans l'intuition que le rapport à la nature est intimement lié à notre rapport à nous mêmes et à la société (sens politique). J'ai été saisie aussi par le philosophe Peter Sloterdijk qui a présenté en 1999 les Règles pour le parc humain anticipant la "fabrique des humains par les technologies" (le métayers ou les automates de ChatGPT). Enfin je citerai Le contrat naturel de Michel Serres qui nous oblige : "Nous devons décider la paix entre nous pour sauvegarder le monde, et la paix avec le monde afin de nous sauvegarder."
L’engagement que vous avez réussi à tenir ?
D.B. : Apprendre le chant lyrique pour se placer dans l'essentiel du souffle. Et résonner c'est plus vaste et efficace que simplement raisonner !
La résolution que vous avez du mal à mettre en place (mais vous ne désespérez pas) ?
D.B. : Travailler moins est difficile pour moi, car tout mon parcours professionnel est organisé par ma curiosité et mon goût des autres. Je suis une passionnée de la rencontre et de l'exploration des liens...
Vos 3 secrets pour soigner votre solastalgie ?
D.B. : Je ne connais pas cette douleur qui s'apparente à un sentiment de perte. Ce que je ressens, c'est une immense injustice, l'impératif de secouer ceux qui sont dans l'impunité, le mépris des vulnérables...
La solution ou la personnalité qui vous a le plus inspirée…
D.B. : Al Gore me fascine dans la durée de son engagement depuis son film La vérité qu dérange. Bien sur et surtout Bruno Latour m'a impressionné par la finesse de ses analyses. Il n'a cessé de valoriser la diversité et complémentarité des vérités, comme a pu le faire Milan Kundera (L'insoutenable légèreté de l'être).
J'ai adoré le spectacle de B Latour Inside sur la précieuse Zone critique qui nous permet de vivre !
Vos raisons d’espérer ?
D.B. : La mobilisation des jeunes depuis 2015 constitue un appui prodigieux. Celles aussi des salaries des réseaux Printemps écologique et Les Collectifs dans les entreprises.
Il y a aussi des minorités chez les investisseurs, les entrepreneurs, les enseignants-chercheurs, les politiques... qui forment progressivement un "tissu alternatif" apte à faire système. Je vois cette trame se mettre en place grâce aux efforts de ceux qui portent la Convention des entreprises pour le climat, le Grand défi, Entrepreneurs d'avenir...
Vos projets pour ces prochaines années ?
D.B. : Enseigner, c'est à dire transmettre ! TEK4life que j'ai fondée propose une formation sur les Mesures d'impacts et les comptabilités écologiques. J'interviens aussi pour présenter la Culture du vivant à CY Ecole de design.
J'aime présenter aux plus jeunes la voie qui m'inspire aujourd'hui, celle qui consiste à assumer la valeur du vivant. Car on se gargarise pour dire que les écosystèmes ca compte, mais ils ne sont jamais pris en compte dans les bilans des entreprises ! C'est en train de bouger avec les réglementations européennes...qui intégreront progressivement dans les comptabilités les informations de soutenabilité des organisations.
Si vous deviez résumer votre raison d’être ?
D.B. : Je crois qu'il n'y aura de conversion que si nous devenons responsables : cela veut dire stopper l'impunité des entreprises qui n'assument pas les dégradations quelles engendrent et ne paient pas leurs factures climatiques et écologiques. Je voudrais voir nos sociétés devenir plus généreuses, plus conscientes de ce qu'elles ont reçu, et plus aptes à se mettre au service des plus vulnérables.
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